Roi par conviction plus que par compromis, Charles X incarne la dernière étincelle de la monarchie absolue. Héritier direct d’un monde balayé par la Révolution, il voulut ramener la France à Dieu, à l’ordre et au trône, mais le pays, déjà conquis par l’esprit de 1789, n’était plus prêt à le suivre.
L’héritier de l’Ancien Régime : un roi venu d’un autre siècle
Le comte d’Artois, né à Versailles en 1757, fut longtemps l’enfant rebelle des Bourbons. Frère cadet de Louis XVI, il prit la fuite dès le 16 juillet 1789, convaincu que la Révolution ne pouvait mener qu’au chaos.
En exil, il incarna l’espoir des monarchistes les plus fervents les ultras qui rêvaient de revoir une France fidèle à son Roi et à son Église.
Lorsque la chute de Napoléon rendit possible la Restauration, Charles revint en 1814 dans un pays métamorphosé. Aux côtés de son frère Louis XVIII, il prépara le retour du trône, convaincu que la France avait besoin d’ordre après vingt-cinq ans de désordres révolutionnaires.
Marié à Marie-Thérèse de Savoie, père de deux fils, il voyait dans la monarchie non un pouvoir personnel, mais une mission sacrée : sauver l’âme du royaume.
Un règne d’autorité et de foi
En 1824, à la mort de Louis XVIII, Charles X monta sur le trône à soixante-six ans. Les ultraroyalistes jubilèrent : leur champion était roi.
Son premier geste fut de confirmer Jean-Baptiste de Villèle à la tête du gouvernement, un homme de conviction qui partageait sa vision d’un retour aux valeurs de l’Ancien Régime.
Sous son règne, le suffrage censitaire limita le vote aux plus riches contribuables : la monarchie n’avait pas vocation à être un forum, mais un pilier.
Charles X renforça l’alliance entre l’État et la religion, rétablit le rôle de l’Église dans l’éducation, indemnisa les émigrés spoliés par la Révolution et restaura les symboles royaux.
Le sacre à Reims, en 1825, marqua l’apogée de cette vision.
Dans un cérémonial d’un autre âge, le roi voulut renouer le lien sacré entre la France et Dieu.
Mais la société, désormais nourrie d’individualisme et de rationalisme, n’y vit qu’un anachronisme.
Le fossé se creusa entre la couronne et le peuple.
Les « Trois Glorieuses » : la fin d’un monde
En 1830, lorsque Charles X publia les ordonnances de Saint-Cloud restreignant la liberté de la presse et dissolvant la Chambre, Paris s’embrasa.
Trois jours d’émeutes suffirent à faire tomber le dernier roi sacré de France.
Mais plus qu’une révolte politique, ce fut un basculement de civilisation : la monarchie héréditaire s’effaçait devant la monarchie parlementaire, la foi devant la raison, le devoir devant la liberté.
Exilé en Angleterre, puis à Prague, Charles X mourut à Göritz en 1836, dans une Europe déjà tournée vers le progrès industriel et les idéaux libéraux.
Pourtant, il demeure, pour les monarchistes et les catholiques de conviction, le symbole d’une France fidèle à son histoire, à ses racines et à sa mission spirituelle.
Son règne n’aura duré que six ans, mais il incarne la résistance d’un roi à l’air du temps. Dans un siècle de concessions, il choisit la cohérence. Dans un monde livré au compromis, il préféra l’exil à la trahison.
Charles X ne fut pas un tyran : il fut un homme d’honneur, persuadé que, sans foi ni autorité, la France perdait son âme.
Et si l’Histoire l’a relégué parmi les perdants, c’est peut-être parce qu’il défendait une idée trop haute du royaume pour une époque trop basse de cœur.















