Installée en Nouvelle-Calédonie, la famille Lodier a transformé sa vie en business d’influence : le bon plan ou l’exploitation ?
Quand Julie Lodier et Anthony Lodier ont quitté la métropole pour s’installer en Nouvelle-Calédonie, tout semblait aligné. Une nouvelle vie de famille, trois filles, le décor paradisiaque du « Caillou ». « C’est comme si toutes les étoiles s’étaient alignées. » Et pourtant, derrière cette image de rêve s’ouvre une question : après tout, est-ce vraiment vertueux que cette famille ait bâti une forme d’activité économique assumée autour de son installation en Nouvelle-Calédonie ?
Le véritable ancrage calédonien, entre sincérité et « pitch »
D’abord, les faits : la famille Lodier s’est installée en Nouvelle-Calédonie en 2023, quittant Lyon.
Quand Anthony m’a dit qu’on partait en Nouvelle-Calédonie, je l’ai regardé avec des yeux ronds
affirme Julie. Ils tombent « sous le charme de la vie locale » et valorisent la chaleur humaine, avec par exemple le geste d’un inconnu qui leur a offert une bouteille d’eau sur un parking :
En métropole, personne n’aurait fait ça
Ces anecdotes sont vraies, publiées dans un média national et sur les réseaux sociaux. Puis, ils témoignent d’un changement des habitudes : le coût de la vie élevé (« le premier plein de courses, ça fait quand même un petit choc. »), l’adaptation alimentaire (« On mange plus de poisson, un peu de cerf »), « C’est devenu un cadeau de Noël » (le Nutella), « Il faut savoir s’ouvrir, s’adapter et apprendre à vivre avec ce que le pays offre. »
Cela peut être perçu comme authentique : un couple et des enfants en phase d’adaptation réelle.
Mais le doute s’installe quand on note que parallèlement, ils transforment ce quotidien en contenu de réseaux sociaux, avec une communauté conséquente : « Ils rassemblent plus de 27 000 abonnés sur Instagram, environ 16 000 sur Facebook et près de 428 000 sur Tiktok. »
Alors : est-ce simplement un vlog de vie de famille ou un positionnement stratégique d’influenceurs ?
Une activité d’influence légale et déclarée, opportunité ou dérive ?
Les faits sont là : Julie et Anthony ont déjà une activité professionnelle en Nouvelle-Calédonie. Ils sont auto-entrepreneurs, ils « gèrent ensemble la communication d’une vingtaine d’entreprises calédoniennes. » Ils commencent comme créateurs de contenu :
En métropole, j’avais une entreprise et faisais moi-même ma communication sur les réseaux sociaux.
Selon un dossier sur les influenceurs en Nouvelle-Calédonie, nous pouvons lire :
Nous partageons notre vie, notre quotidien, sans aucune valeur commerciale. … Un bon 90 % de ce que nous partageons est de la création de contenu, pas des collaborations à valeur commerciale
Mais on lit aussi dans un autre média local :
La famille Lodier est également très suivie sur les réseaux … vivait auparavant en Métropole … comptait 200 000 abonnés sur TikTok. Depuis son arrivée … ils sont 300 000 à la suivre.
Le rapport à l’influence est clair : l’audience grossit, la visibilité se monétise.
Question : est-ce problématique que la vie de famille serve de support à une activité commerciale ? Dans un contexte où, en Nouvelle-Calédonie, le marketing d’influence est un « nouvel outil de communication », cela pose la question de la transparence, de la frontière entre vie privée et business.
On peut saluer l’initiative entrepreneuriale, mais aussi s’interroger sur l’impact sur les enfants, la communauté locale, la sincérité derrière le « vrai quotidien ».
Si tout est bien déclaré, nul doute que l’activité est légale. Mais est-ce éthique d’exposer ses enfants aussi massivement pour alimenter une activité économique de visibilité ? C’est là que le débat s’impose.
Effets sur la communauté calédonienne, contribution ou extraction ?
Quel impact pour la communauté locale ? La famille Lodier se pose en « famille » installée, engagée, désireuse de partager « la vraie vie ici, loin des clichés, parce que la Calédonie c’est bien plus que des plages. » Cela peut être salutaire : valoriser un territoire, montrer des aspects peu connus, créer des liens. Lors des émeutes de mai 2024, ils sont restés, ils témoignent :
Ce qu’on voyait à la télé, ce n’était pas la réalité
Ils soulignent la solidarité :
Une dame du Nord … est descendue avec 5 kilos de farine pour qu’on puisse … continuer à faire des gâteaux et du pain avec les filles
Cependant, on peut aussi pointer un biais : ils produisent du contenu pour une audience, potentiellement hors-territoire, ce qui peut créer un « image commerciale » du territoire calédonien plutôt que contribuer à la communauté locale. Le modèle de l’influence tend à valoriser l’image plutôt que soutenir l’écosystème local de manière structurée.
Ainsi, la famille Lodier participe à un marché d’influence qui en Nouvelle-Calédonie « agit sur les habitudes de consommation de leurs followers […] dans un but marketing ».
Le spectre va d’un échange gagnant-gagnant (valorisation locale, transparence) à un modèle qui peut être perçu comme extractif (exposition médiatique, monétisation, audience externe).
C’est là que la question morale se pose : contribuer à la solidarité ou profiter de la solidarité pour alimenter un business d’influence ?
Bon ou mauvais ? Il est temps de trancher
Alors, la famille Lodier : est-ce bien ou mal ? La réponse n’est pas binaire, mais un terrain d’inquiétude légitime. D’un côté, une initiative familiale, un changement radical de vie, un ancrage en Nouvelle-Calédonie, une adaptation, une volonté de partager du réel. De l’autre, un modèle économique fondé sur l’exposition de la vie privée dont celle des enfants, un marché de l’influence qui invite à questionner la frontière entre authenticité et marketing.
En plein essor d’un « business du marketing d’influence » en Nouvelle-Calédonie, comme le souligne un média local :
La famille Lodier est également très suivie … grâce à leur exposition, les influenceurs … agissent sur les habitudes de consommation … dans un but marketing
Appel à l’action : exigeons de la transparence. Transparence sur les collaborations, sur les retours économiques, sur l’impact réel sur la communauté locale et sur le respect de l’enfance. Parce que ce que tout le monde pense mais n’ose dire : en matière d’influence, l’apparence « familiale » peut masquer un business florissant. Et en Nouvelle-Calédonie, où les dynamiques sociales sont souvent fragiles, cela mérite d’être regardé de près.















