J’ai commencé ma journée avec l’odeur de brûlé.
Je me suis demandé si c’était mon grille-pain. Ce n’était pas mon grille-pain.
Je suis monté au Mont Vénus. J’ai vu une maison abandonnée en feu.
J’ai vu vingt pompiers courir. J’ai vu six engins débarquer.
J’ai entendu des explosions. J’ai fait semblant que ça me surprenait.
On m’a dit que la maison était squattée.
On m’a dit que c’était “habituel”.
On m’a dit qu’il n’y avait pas de victime.
J’ai hoché la tête, comme si c’était rassurant.
Une femme pompier s’est blessée au tympan.
J’ai pensé que le danger, ici, c’est souvent gratuit.
La police a dit qu’elle ouvrirait une enquête.
J’ai pensé à toutes les enquêtes ouvertes. Puis jamais refermées.
Ensuite, on m’a parlé de la ministre.
Elle arrive le 10 novembre.
Elle dit qu’elle veut retisser la confiance.
J’ai prévu de regarder ça comme on regarde une réparer un vélo :
avec curiosité, mais sans trop d’espoir.
Elle va voir tout le monde. Les provinces, les coutumiers, les élus, même les sceptiques.
Elle dit que l’État ne décidera pas “à la place des Calédoniens”.
J’ai relu la phrase trois fois.
Elle sonnait bien. Comme toutes les phrases qui sonnent bien.
On m’a aussi parlé du Palika.
Ils cherchent leur place dans le FLNKS.
Ils veulent “sortir le pays de la crise”.
J’ai souri. C’était nerveux.
Pendant ce temps, 93 jeunes catholiques se retrouvaient à Païta.
Ils parlaient de foi, d’oser être chrétien, de lumière.
J’ai trouvé ça presque reposant.
Au moins, eux, ils savent pourquoi ils sont là.
À Pouébo, on fêtait les 150 ans d’une église.
On parlait de culture, de foi, d’Hippolyte Bonou.
J’ai pensé que le temps passe vite.
Sauf quand on attend une solution politique.
À Paris, à la Philharmonie, des militants ont mis des fumigènes.
Un concert d’Israël a été interrompu trois fois.
J’ai pensé que même la musique classique n’était plus tranquille.
Même Bach peut plus faire son job.
À Bercy, 30 000 personnes sont venues prier.
J’ai eu un moment de doute :
peut-être qu’il faudrait que nous essayions tous un peu.
Aux États-Unis, les aéroports étaient en pagaille.
Au Mali, on conseillait aux Français de partir.
En Australie, une fille transportait 39 kilos de méthamphétamine sous des paillettes de piment.
J’ai trouvé ça créatif. Pas intelligent, mais créatif.
En Nouvelle-Zélande, on trouvait de la cocaïne dans un conteneur.
J’ai pensé que les conteneurs voyagent plus que moi.
Le week-end sportif ressemblait à un programme télé trop chargé.
Rugby, foot, F1, moto, rallye, tout en même temps.
J’ai essayé de m’y intéresser.
J’ai essayé cinq minutes.
J’ai abandonné.
On m’a parlé d’un tournoi de basket, d’un futsal, de karting, d’un trail.
J’ai retenu que les gens continuent de courir.
Peut-être pour oublier le reste.
À la fin de la journée, j’avais l’impression d’avoir zappé cent chaînes sans m’arrêter.
Des incendies, des visites ministérielles, des congrès politiques, des messes jubilaires, des drogues en conteneur, des fumigènes en salle de concert.
Tout se mélangeait.
Je me suis dit que le monde ressemblait de plus en plus à une playlist aléatoire.
Avec parfois quelques morceaux explosifs.
Souvent des titres qu’on n’a pas choisis.
Jamais le bouton pause.
Bref.















