J’ai allumé la radio trop tôt ce matin.
J’ai entendu qu’un truc historique venait d’arriver.
Le Palika a quitté le FLNKS.
J’ai cligné des yeux. J’ai cru à un poisson d’avril en novembre.
J’ai re-cligné. Ça n’a rien changé.
Apparemment, 400 militants à Téné ont voté ça à l’unanimité.
J’ai pensé que même pour choisir une pizza, on a rarement l’unanimité.
Là, pour quitter un front de quarante ans, oui.
Bon.
J’ai écouté Judicaël Selefen expliquer que les « modalités d’accès à l’indépendance » n’étaient plus les mêmes.
J’ai essayé de comprendre.
J’ai compris que je ne comprenais rien.
J’ai retenu un mot : clarté.
Donc ils partent, mais ce n’est pas contre le FLNKS.
C’est pour la clarté.
J’ai soufflé. J’ai pensé que la politique calédonienne, c’est du sudoku en 5D.
Après, il a parlé de l’accord de Bougival, des compétences régaliennes, du corps électoral.
J’ai eu un flashback de mes pires cours de droit.
J’ai su que ma journée allait être longue.
J’ai zappé.
Je suis tombé sur la ministre des Outre-mer, à Rivière-Salée, devant un lycée saccagé.
J’ai regardé les murs noirs, les ateliers en miettes.
J’ai pensé que la violence de 2024, on en parle, mais surtout on la voit.
Elle a dit que l’État serait là.
J’ai voulu la croire.
J’ai entendu les maires dire qu’en 2026, il n’y aurait plus d’argent.
J’ai compris que tout le monde veut être aidé.
Et que personne n’a ce qu’il faut dans les poches.
J’ai écouté Pascal Vittori parler des cantines.
J’ai pensé que dans ce pays, même faire manger les gosses devient un miracle quotidien.
J’ai entendu le maire de Pouébo dire qu’on a perdu 300 millions de subventions.
J’ai grincé.
J’ai regardé mes propres comptes.
J’ai grincé encore plus fort.
J’ai suivi l’histoire du Mont-Dore.
Les gendarmes, le pont, le blocage, le coût.
Trois milliards en un an pour sécuriser une route.
J’ai pensé que c’était presque poétique.
Poétique comme une facture EEC impayable.
Après, la ministre est partie à Tindu.
Les habitants ont demandé des réponses.
Ils ont reçu de l’écoute.
J’ai souri.
J’ai pensé que l’écoute, c’est gratuit.
C’est peut-être pour ça qu’on en distribue autant.
Puis la journée a continué.
Un braquage jugé, des communes stressées, des machines Perkins à réparer, une feria, un marché de l’art, la Coupe de France, la Bluescope Race, le vent, la mer, le sport.
J’ai respiré.
J’ai pensé que le pays avait décidément tout en même temps :
des ruptures politiques, des écoles cassées, des maires inquiets, des quartiers épuisés,
et un concours de marmite au crabe.
J’ai regardé l’heure.
J’ai réalisé que tout ça, c’était seulement la matinée.
J’ai soupiré.
Bref.















