La chute des prix du nickel contraint le géant chinois à suspendre ses lignes inox
Indonésie, Morowali – Juin 2025. Le groupe chinois Tsingshan Holding, poids lourd mondial de l’acier inoxydable, a suspendu plusieurs lignes de production en Indonésie depuis le mois de mai. Une décision brutale mais symptomatique d’un marché du nickel en perte de vitesse, sous l’effet combiné d’une baisse prolongée des prix et d’une demande mondiale en berne.
« C’est purement économique. À ce niveau de prix, ils perdent de l’argent », explique Rizal Kasli, président de la division ingénierie minière de l’Association des ingénieurs indonésiens.
Nickel sous pression : le prix au plus bas depuis quatre ans
Le nickel se négocie actuellement à 15 237 dollars la tonne sur le London Metal Exchange (LME), soit une baisse de 0,9 % sur la semaine. Très loin des 20 000 dollars autrefois espérés, et surtout bien en-dessous de la moyenne 2023 (21 688 $/tonne), déjà en recul de 15 % par rapport à 2022.
Le marché subit un excès d’offre, tandis que les moteurs de la demande – notamment dans l’industrie inoxydable et les batteries – tournent au ralenti. La conséquence ? Des arrêts de production en cascade et un secteur minier sous tension.
Coup d’arrêt à Morowali : une stratégie sous contrainte
Les installations de Tsingshan dans le parc industriel de Morowali (IMIP) représentent une pièce maîtresse de sa chaîne de valeur mondiale. Avec une capacité annuelle de 3 millions de tonnes d’acier inox et 2 millions de tonnes de nickel pig iron, l’enjeu est majeur. Mais face aux surcapacités et à une compétitivité export affaiblie par les tensions sino-américaines, le groupe a mis plusieurs unités en maintenance « jusqu’à nouvel ordre ».
« Même si l’Indonésie est riche en nickel, beaucoup de fonderies comme celles de Tsingshan doivent encore importer du minerai. Avec des prix bas, cela rend l’opération intenable », alerte Rizal Kasli.
Risque social : les emplois en ligne de mire
La pause pourrait entraîner des licenciements massifs. Le maintien de l’activité devient un luxe : salaires, heures supplémentaires et avantages pèsent lourd dans les comptes. Le ralentissement de Tsingshan pourrait aussi impacter l’amont minier, en réduisant la demande locale de minerai.
Le secteur est donc dans l’attente, avec une inquiétude croissante pour les travailleurs et les petits fournisseurs.
Et en Nouvelle-Calédonie ? Un écho troublant
Ce scénario rappelle fortement la crise actuelle du nickel en Nouvelle-Calédonie, où des acteurs historiques comme la SLN ou Prony Resources peinent à rester à flot. Là aussi, les coûts de production élevés, les difficultés d’accès au marché, et la faiblesse persistante des prix mettent l’écosystème sous pression.
Mais à la différence de l’Indonésie, où l’État chinois pilote des investissements colossaux via Tsingshan, la Nouvelle-Calédonie reste tributaire d’aides publiques françaises et d’un modèle plus fragmenté.
Qu’il s’agisse de l’Asie du Sud-Est ou du Pacifique Sud, la volatilité du nickel met à mal les ambitions industrielles. Et rappelle que, pour transformer cette ressource stratégique en moteur de croissance durable, il faudra plus qu’un minerai abondant.