Dans le cadre des visites du ministre Manuel Valls, la CCI de Nouvelle-Calédonie a présenté ses propositions pour la reconstruction économique. Objectif : un renouveau profond, mais sous conditions strictes.
Une feuille de route économique ambitieuse… et à géométrie politique variable
Alors que les discussions autour de l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie restent ouvertes et incertaines, la Chambre de commerce et d’industrie (CCI-NC) a choisi de peser dans le débat. Lors des visites du ministre des Outre-mer Manuel Valls, elle a remis une série de propositions visant à faire de la reconstruction un levier de refondation économique et sociétale.
Dans un document dense et structuré, la Chambre dessine les contours d’un « grand renouveau » fondé sur des principes clairs : priorité à l’initiative privée, réduction du périmètre de l’État, allègement de la fiscalité du travail, et redéfinition des missions publiques jugées « non essentielles ».
Si la démarche se veut constructive, le ton adopté tranche par sa rigueur presque doctrinale. Plusieurs propositions — suppression d’organismes publics, tutelle financière temporaire par l’État, révision constitutionnelle des règles budgétaires — pourraient apparaître comme des conditions de coopération plutôt que des pistes de dialogue. Un positionnement qui risque de crisper certains partenaires, notamment côté coutumier ou indépendantiste.
Réduire l’État pour mieux relancer : une recette risquée sans consensus
Au cœur des propositions : un recentrage drastique des missions de l’État autour de la santé, de la sécurité, de l’éducation et des infrastructures. Tout le reste, suggère la CCI, serait à reconsidérer ou à supprimer. Le secteur privé, lui, serait érigé en pivot central du modèle calédonien, avec des incitations fortes à l’investissement, une fiscalité élargie et des normes assouplies.
Dans le contexte actuel, la réduction des dépenses publiques n’est plus vraiment une option, c’est une grande nécessité. Le territoire ne peut malheureusement plus continuer à fonctionner comme avant. Cela ne peut bien évidemment pas se faire à l’aveugle, ni dans la précipitation. Si les ajustements budgétaires sont mal pensés, ils risquent de frapper en premier les plus fragiles, dans un territoire déjà éprouvé et profondément inégal.
La CCI insiste également sur la nécessité d’une réforme profonde de la gouvernance, incluant la mise en place d’une démocratie participative. Un vœu qui, bien que louable, pourrait paraître paradoxal dans un texte qui, par ailleurs, formule des prescriptions très verticales.
Intégration régionale, économie coutumière, stabilité monétaire : des ouvertures à consolider
Plus nuancée, la dernière partie du document met en avant des pistes plus consensuelles : intégration régionale, coopération avec les voisins du Pacifique sur les enjeux climatiques ou alimentaires, valorisation de l’économie coutumière en s’inspirant de l’exemple néo-zélandais. Là, la CCI-NC touche un point sensible mais stratégique : sans inclusion réelle des terres coutumières et des projets tribaux, aucun modèle économique calédonien ne tiendra sur le long terme.
Le rattachement à l’euro et la stabilité financière sont également salués comme des leviers d’attractivité, mais là encore, la dépendance aux arbitrages parisiens rappelle les limites de la souveraineté locale tant que les débats institutionnels ne sont pas tranchés.
Enfin, en toile de fond, une ligne rouge : pas de renouveau sans garanties de l’État de droit. Un appel à la fermeté républicaine que certains interpréteront comme une mise en garde implicite, voire comme un verrou symbolique face aux aspirations indépendantistes. En remettant son plan de reconstruction à Manuel Valls, la CCI de Nouvelle-Calédonie joue une carte claire : celle d’un renouveau économique conditionné à une refonte du modèle public. Reste à savoir si cette vision convaincra tous les partenaires… ou si elle devra être ajustée à la complexité calédonienne.