Baisse du pouvoir d’achat, concurrence étrangère, transition numérique : Lait Délice s’adapte et défend la production locale en Nouvelle-Calédonie.
Une entreprise calédonienne ancrée dans son territoire
Depuis 2014, Lait Délice fait partie des rares structures calédoniennes à transformer un produit aussi essentiel que le lait. À la tête de cette petite équipe de cinq personnes, Laurent Villeminot défend une vision claire : produire localement, valoriser le savoir-faire et répondre aux besoins des Calédoniens avec des yaourts, fromages blancs, faisselles et crèmes fraîches distribués sur tout le territoire.
On a une petite structure, mais on veut faire bien. On transforme ici, on distribue ici, et on fait vivre des familles calédoniennes.
Faute d’une filière laitière développée en Nouvelle-Calédonie, l’entreprise importe son lait de Nouvelle-Zélande, mais la transformation est bien locale, tout comme la distribution. Lait Délice fournit aussi bien les grandes surfaces que les écoles, collèges et lycées. Un maillage territorial qui témoigne d’un modèle économique résilient, malgré un contexte de plus en plus contraignant.
Une industrie sous pression : prix, normes, concurrence
Comme de nombreuses PME du territoire, Lait Délice subit de plein fouet la baisse du pouvoir d’achat, la diminution du nombre de consommateurs et la flambée des coûts de production (matières premières, fret, énergie). Pour survivre, l’entreprise a dû réinventer sa relation au client final, en développant des circuits courts via des groupes de commande privés, permettant aux familles d’acheter directement à prix modéré.
On a dû aller chercher les familles directement. Grâce aux commandes groupées, on garde le lien et on leur offre un produit local accessible.
À cela s’ajoute une concurrence étrangère non régulée sur les produits laitiers, les yaourts notamment, qui ne bénéficient d’aucune protection douanière locale. Une asymétrie réglementaire que Laurent Villeminot juge problématique : selon lui, c’est au gouvernement de définir ce qu’il veut protéger, plutôt que de laisser chaque acteur économique se débrouiller seul face à l’import.
Ce n’est pas à chaque producteur de se battre seul. C’est au territoire de décider ce qu’il veut protéger.
Du côté des normes, l’entreprise applique des standards rigoureux, parfois même plus exigeants que ce qu’impose la réglementation. Cela vaut aussi pour les aspects environnementaux : malgré un essai non concluant pour passer au carton à la place du plastique, la volonté de réduire l’empreinte écologique reste intacte. Mais comme souvent, la bonne volonté se heurte aux limites techniques de fournisseurs encore peu préparés.
On a voulu bien faire, mais les fournisseurs n’étaient pas prêts. On a perdu beaucoup de produits.
Cap sur le numérique : l’IA comme levier de compétitivité
Au-delà de l’agroalimentaire, Lait Délice s’engage aussi dans la transition numérique, perçue comme incontournable. Selon son directeur, l’intelligence artificielle devient un levier majeur de compétitivité. L’entreprise s’organise pour intégrer ces outils dans sa gestion et son développement. Une démarche proactive, dans un territoire où la digitalisation reste encore inégalement répartie.
Aujourd’hui, si tu ne travailles pas avec l’IA, c’est elle qui risque de travailler contre toi. Il faut absolument s’y mettre.
Si des initiatives existent — comme la Station N portée par le gouvernement —, la dynamique doit venir des entreprises elles-mêmes, affirme-t-il. L’urgence de s’adapter à un monde en mutation rapide est réelle, et les retards accumulés dans la maîtrise du numérique pourraient peser lourd sur l’économie calédonienne.
Consommer local, un acte économique décisif
Acheter local, c’est soutenir l’emploi local. Ce sont vos voisins, vos enfants, votre économie. C’est aussi une garantie de résilience.
Dans un contexte où chaque acte de consommation peut devenir un levier de soutien à l’économie du territoire, Lait Délice incarne un exemple concret d’entreprise qui tient bon. Pour Laurent Villeminot, soutenir les industries locales, c’est préserver l’emploi, l’autonomie alimentaire et la stabilité économique. Dans un monde qui se réindustrialise en urgence, la Nouvelle-Calédonie aurait tort de négliger les acteurs qu’elle a déjà sur son sol.