Samedi 28 juin, le Rassemblement national et son allié de l’UDR ont organisé leur convention stratégique dans l’enceinte même du Palais-Bourbon. Officiellement consacrée à leur union politique, la rencontre a surtout servi de répétition générale en vue d’une éventuelle dissolution de l’Assemblée nationale. À dix jours de la date à partir de laquelle Emmanuel Macron peut, constitutionnellement, renvoyer les Français aux urnes, Marine Le Pen accélère la cadence. Dans un climat d’usure du pouvoir et de blocage institutionnel, la droite radicale se prépare à gouverner.
Dissolution possible : le RN en alerte maximale
Le 8 juillet prochain, Emmanuel Macron pourra juridiquement activer l’article 12 de la Constitution et dissoudre une nouvelle fois l’Assemblée nationale. Une hypothèse prise très au sérieux par Marine Le Pen, qui a réuni ses troupes ce samedi 28 juin à l’Assemblée, lors de la convention de l’Union nationale. Officiellement destinée à renforcer l’unité entre le Rassemblement national et l’Union des droites républicaines (UDR), la rencontre s’est transformée en séminaire stratégique de pré-campagne.
Alors que le pouvoir macroniste semble paralysé, miné par l’échec du conclave sur les retraites, l’absence de majorité claire et des oppositions en embuscade, le RN se pose en force d’alternance crédible. Avec 139 députés disciplinés, une base militante aguerrie et un électorat fidèle, Marine Le Pen estime que son mouvement est le seul capable de gouverner dans un contexte institutionnel bloqué.
Une stratégie offensive en cas de législatives anticipées
En interne, la préparation à une campagne éclair est déjà lancée. Si Emmanuel Macron décidait de dissoudre l’Assemblée dès l’ouverture de la fenêtre constitutionnelle, la campagne ne durerait que vingt jours. Le RN en fait désormais une hypothèse de travail prioritaire. Il s’agit de muscler l’organisation, de verrouiller les investitures, d’affiner les argumentaires et de se préparer à une prise de pouvoir rapide.
Le bloc central, selon l’analyse du RN, ne peut plus contenir durablement la déliquescence actuelle du pouvoir. L’« affaissement parlementaire » du gouvernement et l’impuissance de Matignon à bâtir des compromis renforcent la crédibilité d’un recours à la dissolution. Cette anticipation est d’autant plus marquée que le président de la République n’a jamais fermé la porte à cette option.
L’alliance RN–UDR, pilier d’une future majorité
La convention du 28 juin célébrait également l’anniversaire de l’alliance entre le Rassemblement national et l’UDR. Une coalition désormais consolidée autour d’un socle d’idées communes et d’un objectif partagé : préparer l’alternance dès 2025. Jordan Bardella, Marine Le Pen et Éric Ciotti affirment incarner une alternative prête, stable, portée par un potentiel électoral en progression constante.
Le discours des trois figures s’articule autour de trois piliers : ordre, autorité, souveraineté. Ils estiment que leur coalition est désormais la seule capable de répondre à l’épuisement du modèle actuel, qu’ils jugent technocratique et coupé des réalités sociales. En cas de dissolution, la droite radicale espère transformer sa dynamique électorale en majorité parlementaire.
Macron face à un risque stratégique
Pour Emmanuel Macron, la menace est réelle. Dissoudre une deuxième fois en moins de deux ans exposerait l’exécutif à un vote-sanction, dans un climat de défiance envers les institutions. Mais le blocage politique est tel qu’il pourrait s’y résoudre. Dans ce cas, le RN serait prêt, en ordre de bataille, et décidé à gouverner.
L’équation politique évolue rapidement. La droite nationale, hier cantonnée au rôle d’opposant contestataire, cherche désormais à apparaître comme une force de gouvernement. Et dans les rangs présidentiels, certains redoutent que la dissolution devienne le piège qui offrirait à Marine Le Pen l’ultime marche vers l’Élysée.
Tensions larvées entre Marine Le Pen et Éric Ciotti
Derrière l’image d’un front uni entre Éric Ciotti et Marine Le Pen, les fissures apparaissent au grand jour. Si l’Union des droites républicaines (UDR) a offert une passerelle politique vers les milieux économiques, elle repose sur des désaccords majeurs, notamment sur la réforme des retraites. Tandis que le président des Républicains soutenait la mesure, le Rassemblement national menait une opposition frontale.
Cette divergence symbolise un mal plus profond : une entente fondée sur des intérêts tactiques plus que sur une vision commune. Certes, l’UDR a permis de crédibiliser l’image économique du RN, mais sur le terrain électoral, l’effet d’entraînement reste limité. Le ralliement d’Éric Ciotti n’a pas créé de dynamique ni convaincu une droite encore en quête de cap.
Le pari d’une alliance durable se heurte à la réalité des clivages et à un électorat qui observe sans adhérer. À défaut d’un souffle électoral réel, l’UDR pourrait n’être qu’une parenthèse tactique dans la stratégie d’accession au pouvoir du RN.
À l’heure où Emmanuel Macron pourrait jouer son va-tout en dissolvant l’Assemblée, le Rassemblement national affine sa stratégie, fort d’une alliance inédite mais encore fragile avec l’UDR. Derrière l’unité affichée, les lignes de fracture idéologiques persistent. Si la droite radicale se prépare méthodiquement à gouverner, elle devra encore convaincre qu’elle peut tenir ensemble le pouvoir et le projet.