Une rencontre qui fissure un peu plus la digue républicaine. En recevant Jordan Bardella, Nicolas Sarkozy offre au président du RN une forme de reconnaissance tacite. Officiellement sans portée politique, ce tête-à-tête ravive les tensions en internes au sein de Les Républicains et alimente les spéculations sur une recomposition des droites.
Sarkozy-Bardella : l’entretien qui trouble les lignes de la droite
Jordan Bardella rêvait d’un adoubement discret ; Nicolas Sarkozy a offert bien plus qu’un simple café. Ce mardi 1er juillet, dans ses bureaux parisiens de la rue de Miromesnil, l’ancien président de la République a reçu, pendant près d’une heure, le président du Rassemblement national. Officiellement, il n’y avait aucun enjeu politique, simplement un « échange humain » autour de l’avenir de la France.
Si l’on en croit les entourages respectifs, la rencontre s’est déroulée dans une ambiance « cordiale et chaleureuse ». Une formulation bien trop policée pour masquer la portée symbolique de ce tête-à-tête. D’autant que l’invitation est venue de l’ancien chef de l’État lui-même. Un geste fort, dans un timing troublant : alors que l’alliance entre LR et le camp présidentiel vacille, Jordan Bardella semble plus que jamais oeuvrer à une union des droites.
Les Républicains au bord de la rupture
C’est dans ce contexte incandescent que ce rendez-vous fait l’effet d’un coup de poignard dans le dos pour de nombreux élus LR. Leurs réactions oscillent entre stupéfaction et exaspération. Certains dénoncent une forme de trahison, estimant que Nicolas Sarkozy, en recevant le jeune loup lepéniste, consacre la légitimité politique du RN. D’autres relativisent, évoquant un simple « moment d’échange », sans conséquence directe.
Mais au-delà des mots, c’est bien l’image qui dérange. Celle d’un ex-président, un des pères fondateurs de l’UMP, devenu source d’inspiration pour le président d’un parti historiquement honni par la droite républicaine. Depuis plusieurs mois, Jordan Bardella multiplie les clins d’œil à l’ancien locataire de l’Élysée, citant son action de 2007, reprenant ses slogans et saluant même son combat judiciaire après sa condamnation. Une stratégie de normalisation soigneusement orchestrée, qui vise à séduire l’électorat conservateur et à brouiller les repères idéologiques.
Une recomposition accélérée du paysage politique
Cette rencontre est donc loin d’être anodine. Elle révèle une porosité croissante entre la droite traditionnelle et l’extrême droite, au moment même où la recomposition politique semble inévitable. Si Bruno Retailleau tente d’incarner une droite autonome, attachée à ses valeurs républicaines, Jordan Bardella joue la carte de l’union des droites pour s’imposer comme l’homme fort du bloc conservateur.
Marine Le Pen, informée de la rencontre, reste en retrait. Mais en coulisses, elle observe avec attention cette opération de séduction. Bardella incarne désormais un RN « fréquentable », qui dialogue sans complexe avec les anciens piliers de la Ve République. Et Sarkozy, qu’on avait vu plus proche du centre droit européen que des nationalistes, laisse planer le doute sur ses intentions.
Dans ce jeu d’ambiguïtés, chacun y projettera sa propre lecture. Certains y verront un simple échange républicain, d’autres un tournant historique. Mais une chose est sûre : la digue entre droite républicaine et extrême droite continue de s’éroder. Et cette rencontre, qu’elle ait été purement personnelle ou implicitement stratégique, restera comme un jalon de plus dans le basculement politique en cours.