Le dérèglement climatique n’est plus une menace lointaine : il redessine déjà la vie quotidienne des Calédoniens. Face à l’urgence, un forum sur le climat réunit experts et politiques le 22 juillet. Derrière les discours, l’action reste timide et la parole de Jérémie Katidjo-Monnier pose question.
Le climat change, la Calédonie trinque
+1,3 °C en cinquante ans.
Ce chiffre n’a rien d’abstrait. Il illustre le quotidien déjà transformé des Calédoniens : feux plus violents, canicules précoces, sécheresses longues et inondations soudaines deviennent la norme. Loin d’une prévision lointaine, le dérèglement climatique est bien réel et visible, en particulier sur la Grande Terre. Selon les projections, la côte Ouest pourrait atteindre +3,5 °C d’ici 2100, contre +2,8 °C sur la côte Est. Un déséquilibre inquiétant.
À cela s’ajoutent des baisses de précipitations allant jusqu’à 35 %, avec des conséquences redoutables sur l’agriculture, l’accès à l’eau, les forêts et la santé publique. Ces constats, validés par les travaux du GIEC et de Météo-France NC, placent la Nouvelle-Calédonie parmi les territoires les plus vulnérables du Pacifique.
Mais si l’urgence climatique est actée, la réponse politique locale tarde à convaincre, malgré les efforts d’affichage.
Une stratégie ambitieuse… sur le papier
En 2024, le gouvernement calédonien a lancé une vaste concertation climatique. Résultat : 110 experts mobilisés, plus de 2 700 contributions et, à l’arrivée, une stratégie adoptée le 29 avril 2025 par le Congrès. Le plan est organisé autour de cinq axes : agriculture, urbanisme, infrastructures, écosystèmes, santé. L’ensemble paraît solide.
Mais derrière les formules rassurantes, une question s’impose : qui pilote réellement cette stratégie ? À entendre Jérémie Katidjo-Monnier, membre du gouvernement chargé de ces questions, la science est au cœur de l’action publique.
Nos politiques publiques s’appuient sur la science
déclare-t-il. Une déclaration louable, mais qui sonne de plus en plus comme un slogan creux. Car sur le terrain, peu de mesures concrètes sont visibles, et les annonces restent en grande partie confidentielles ou expérimentales.
J. Katidjo-Monnier, qui multiplie les interventions médiatiques, semble plus prompt à communiquer qu’à agir. Son positionnement technocratique, souvent flou sur les priorités, interroge sur la capacité du gouvernement à traduire les intentions en actions tangibles. Trop de concertation, pas assez de décisions.
Un forum pour sensibiliser… ou pour lisser l’image du gouvernement ?
Le Forum calédonien du changement climatique, prévu le 22 juillet à Nouméa, s’annonce comme un temps fort. Étudiants, chercheurs, agriculteurs et élus sont invités à échanger. Objectif : partager les données, faire le point sur la stratégie, valoriser la recherche et sensibiliser les jeunes. Mais là encore, l’intention ne suffit pas à dissiper les doutes.
Malgré la volonté affichée de rassembler les forces vives, la population reste en grande partie absente de ces débats trop institutionnels. Le discours scientifique, porté notamment par l’Université de la Nouvelle-Calédonie et Météo-France NC, a beau être rigoureux, il reste confiné à des cercles restreints. Et aucun plan budgétaire clair n’a été présenté pour mettre en œuvre les adaptations prévues, commune par commune.
Le projet CLIPSSA n’en est encore qu’au stade des promesses. Pendant ce temps, les habitants des zones rurales attendent des réponses concrètes, notamment sur la sécurité de l’eau, la relocalisation de bâtiments exposés, ou encore l’adaptation des cultures vivrières.
Ras-le-bol des ministres de la com’
À force de multiplier les grandes phrases sans livrer de résultats concrets, Jérémie Katidjo-Monnier incarne de plus en plus un « ministre de la communication » plutôt qu’un homme d’action. À chaque crise, incendies, sécheresses, ou même le cyclone, ses interventions sur les plateaux et dans les forums ne manquent pas. Il y évoque des “plans d’adaptation” et des “modélisations à l’échelle des communes”, mais sur le terrain, les Calédoniens n’en voient toujours pas la couleur.
Combien de fois a-t-on entendu M. Katidjo-Monnier nous promettre des choses ? Combien de fois a-t-il répété que « la recherche est au cœur des politiques publiques » sans qu’aucun programme budgété n’accompagne ses déclarations ? À force de trop parler, on finit par ne plus l’écouter. Ce besoin permanent d’exister médiatiquement, plutôt que de bâtir concrètement, devient contre-productif, dans un contexte où la population attend des décisions fortes, pas des effets d’annonce.
Il incarne cette figure de l’élu technicien plus à l’aise dans la rhétorique que dans la gestion concrète. Dans un contexte aussi pressant, la Calédonie a besoin de leadership clair, d’engagement transparent et d’actions visibles. Pas d’un énième forum où l’on brasse de l’air pendant que le thermomètre grimpe.
Un climat réel, gouvernance floue
Le dérèglement climatique frappe de plein fouet la Nouvelle-Calédonie. Les diagnostics sont posés, les projections connues. Mais face à cette crise structurelle, le pilotage politique reste hésitant, voire opportuniste. Le forum du 22 juillet offrira peut-être un espace de dialogue, mais il risque surtout de confirmer le décalage entre les discours de façade et la réalité vécue par les Calédoniens.