Fini « l’involontaire » : tuer sur la route sous drogue, alcool ou sans permis devient un délit à part entière.
Cette réforme pénale, portée par des élus de tous bords, a été adoptée le 1er juillet par le Parlement.
Une loi pour nommer le crime : « homicide routier »
C’est une rupture symbolique autant que juridique. Jusqu’ici, les conducteurs ayant causé la mort dans un accident étaient poursuivis pour « homicide involontaire », même lorsqu’ils roulaient sans permis, sous l’emprise de stupéfiants ou à très grande vitesse. Une qualification pénale jugée insupportable par les familles, confrontées à ce qu’elles vivent comme un acte criminel.
Le nouveau texte, défendu notamment par le député LR Éric Pauget, crée un délit spécifique d’ »homicide routier » et de « blessures routières ». Ces infractions ne s’appliqueront qu’en présence d’une ou plusieurs circonstances aggravantes : alcool, drogue, refus d’obtempérer, conduite sans permis, rodéo urbain, téléphone à la main, etc.
L’idée : responsabiliser les auteurs d’accidents mortels ou graves commis dans des contextes de danger délibéré. Les peines ne changent pas en apparence (elles restent de 10 ans de prison et 150 000 € (18 000 000 XPF) d’amende), mais le message est clair : ce n’est plus un accident, c’est un crime.
Sanctions alourdies, peines complémentaires automatiques
Si les peines principales restent comparables à celles prévues pour l’homicide involontaire, la réforme renforce tout le volet des sanctions annexes. Certaines deviennent obligatoires : annulation du permis, confiscation du véhicule, interdiction de conduire dans les cas les plus graves, notamment en cas d’usage combiné d’alcool et de drogues.
Un examen médical préalable à la restitution du permis est également instauré. En cas de blessures ayant entraîné une incapacité de plus de trois mois, l’annulation du permis sera automatique. Pour les chauffeurs de transports collectifs, les suspensions seront doublées.
Les excès de vitesse de plus de 50 km/h deviennent désormais des délits dès la première infraction, et non plus des contraventions. Une amende forfaitaire délictuelle de 300 € (36 000 XPF) sera proposée, mais l’auteur risque jusqu’à trois mois de prison en cas de refus ou de récidive.
Répondre aux victimes, prévenir la récidive
Cette loi est aussi une réponse attendue de longue date par les familles endeuillées, comme celle de Yannick Alléno, dont le fils a été fauché par un récidiviste en mai 2022. L’association Antoine Alléno, comme la Ligue contre la violence routière, s’est battue pour ce changement sémantique et judiciaire. Jusqu’au ministre de la Justice Gérald Darmanin, qui a salué un texte « qui ne détourne plus les yeux ».
Mais plusieurs avocats et sénateurs craignent un effet uniquement symbolique, sans réelle évolution dans les peines prononcées. Actuellement, la peine moyenne infligée pour un homicide involontaire reste inférieure à deux ans de prison. Or, la nouvelle loi ne modifie pas les plafonds : les juges pourront donc continuer à prononcer les mêmes peines… même avec le mot « homicide ».
Pour renforcer l’impact de la réforme, un module de prévention à la récidive et aux addictions sera désormais imposé aux auteurs de ces délits. Et la liste des infractions assimilées en cas de récidive est élargie, pour dissuader les conducteurs déjà sanctionnés de reprendre le volant illégalement.
La loi sur l’homicide routier devrait être promulguée dans les jours prochains dans l’Hexagone. Elle sera immédiatement applicable en Nouvelle-Calédonie.
Avec 3 190 morts et plus de 233 000 blessés sur les routes françaises en 2024, les parlementaires ont voulu adapter le droit à la réalité de la violence routière contemporaine. La création d’un délit d’homicide routier vise à faire comprendre que conduire sans respect des règles peut relever de l’acte criminel, pas du simple accident. Reste à voir si la justice suivra dans les faits cette nouvelle sévérité inscrite dans la loi.