L’amiante naturel menace toujours les travailleurs calédoniens. Une carte actualisée vient d’être publiée pour mieux prévenir les risques dans le BTP, l’extraction et les travaux publics. Une mise à jour attendue depuis quinze ans.
Une cartographie actualisée pour un danger invisible
Présent naturellement dans les sols calédoniens, l’amiante environnemental demeure un fléau silencieux. Invisible à l’œil nu, ce minéral fibreux peut, lorsqu’il est inhalé, provoquer des maladies mortelles comme l’asbestose ou certains cancers, souvent plusieurs décennies après l’exposition.
On a tous connu quelqu’un dans le bâtiment qui a chopé une saleté à cause de ça. Et on ne savait même pas que ça venait du sol.
déplore Julien, ouvrier à Dumbéa. Pour répondre à cette menace sanitaire, la Nouvelle-Calédonie a adopté, dès 2010, un cadre réglementaire pour protéger les travailleurs des secteurs extractif, du bâtiment et des travaux publics exposés à ces poussières dangereuses. Mais depuis, les connaissances géologiques ont évolué et les techniques de détection se sont affinées. La carte de référence, quant à elle, était restée figée dans le temps.
Franchement, depuis 2010, il y a eu des dizaines de chantiers sur des terrains sans étude. C’est trop tard pour certains
regrette Sonia, technicienne en hygiène industrielle. C’est désormais chose faite : la nouvelle carte de zonage géologique vient d’être dévoilée. Réalisée par le service de géologie de la direction de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie (DIMENC), elle offre une lecture plus fine et actualisée des formations à risque.
Une carte plus précise, avec six niveaux de risque
L’outil actualisé classe désormais les zones en cinq niveaux de susceptibilité, fondés sur des données croisées issues des cartes géologiques, d’observations de terrain et de sources bibliographiques. À ces cinq classes s’ajoute une nouvelle catégorie : la « serpentinite sous-couverture », désignant les roches potentiellement amiantifères enfouies sous des couches sédimentaires, comme les alluvions ou les éboulis.
On savait même pas que ça existait, ce truc sous les cailloux. Moi j’ai bossé là-dessus en 2018, sans masque, sans rien
raconte Hervé, opérateur dans une carrière. Ce travail d’actualisation repose sur des inventaires communaux menés ces dernières années, selon une méthodologie renforcée. L’objectif est clair : anticiper les risques, mieux informer les professionnels, et permettre aux entreprises de prendre les précautions nécessaires avant toute opération sur les chantiers.
L’échelle de la carte a également été précisée : celle présentée au public est au 1/2 000 000 au format A4, mais la version originale, plus détaillée, au 1/50 000, est consultable en ligne via le portail officiel georisque.georep.nc. Un message d’avertissement a d’ailleurs été ajouté pour éviter toute mauvaise interprétation des zones à risque en raison de cette échelle réduite.
L’échelle, c’est technique, mais ça peut changer beaucoup. Un client me l’a reproché parce qu’il croyait que son terrain était hors zone
témoigne Cathy, géomètre indépendante.
Un outil de prévention bientôt accessible à tous
Cette révision réglementaire ne se limite pas à une simple cartographie. Le gouvernement entend faire de cet outil un véritable levier de prévention, aussi bien pour les entreprises que pour les collectivités. Un affichage public est prévu, ainsi qu’une large diffusion via les réseaux institutionnels.
La carte actualisée devrait être prochainement intégrée aux systèmes d’information du gouvernement et diffusée à travers les canaux numériques officiels. Une manière de renforcer la transparence sur les dangers liés à l’environnement calédonien, sans alarmer, mais en responsabilisant les acteurs de terrain.
Car l’amiante environnemental n’est pas une menace abstraite : il est présent dans le sol, et toute intervention humaine dans certaines zones peut le libérer. Prévoir, c’est protéger.
C’est une bonne chose, mais ça doit aller avec des contrôles sur site. Sinon ça restera sur papier
tranche Aline, infirmière du travail. En toile de fond, cette démarche s’inscrit dans une volonté politique de long terme : garantir la sécurité des travailleurs tout en poursuivant les activités économiques dans un cadre maîtrisé. L’exécutif local rappelle d’ailleurs que cette mesure s’ajoute à d’autres initiatives visant à renforcer la santé au travail dans les secteurs exposés.