EVARS, une réforme trop normative pour la Calédonie ?
Le programme EVARS veut encadrer l’éducation sexuelle. Mais en Calédonie, son application suscite scepticisme et prudence.
Une réforme imposée d’en haut, encore floue localement
Le programme EVARS, instauré par arrêté ministériel le 3 février 2025, entend moderniser l’éducation à la vie affective et sexuelle en France. Mais derrière l’apparente volonté de progrès, le texte pose question quant à sa pertinence universelle, et surtout, à son application hors de l’Hexagone. En Nouvelle-Calédonie, régie par l’autonomie éducative, ce programme ne s’applique pas encore. Et pour cause : sa transposition suppose un débat de fond que les autorités locales n’ont pas engagé.
EVARS prévoit trois séances annuelles obligatoires à chaque niveau scolaire, reprenant une exigence de la loi de 2001. Sur le papier, les contenus semblent balisés et évolutifs : de la prévention du harcèlement en maternelle à la diversité sexuelle au lycée. Mais certains observateurs dénoncent une uniformisation des contenus, sans prise en compte suffisante des réalités culturelles, éducatives ou sociales. Peut-on réellement calquer un modèle métropolitain sur des populations aussi diverses que celles du Caillou ?
Une logique préventive… ou prescriptive ?
Le ministère présente EVARS comme un outil de prévention des violences sexuelles, de lutte contre les stéréotypes et de promotion de l’égalité. Il s’appuie sur des chiffres alarmants : 2,3 millions de mineurs exposés chaque mois à la pornographie en France, un enfant victime d’abus sexuel toutes les trois minutes (CIIVISE, 2023). Mais derrière ces constats, certains enseignants et parents redoutent une approche trop descendante, qui ferait peu de cas des réalités pédagogiques.
En Nouvelle-Calédonie, où la violence intrafamiliale reste un sujet majeur, les objectifs affichés peuvent résonner. Mais l’absence de données précises limite toute application rigoureuse. Le programme EVARS, malgré ses bonnes intentions, court le risque de devenir un instrument idéologique, selon certaines critiques relayées sur les réseaux sociaux. Même si le Conseil d’État a confirmé sa neutralité le 27 juin dernier, le doute persiste quant à la mise en œuvre sur le terrain, notamment en contexte ultramarin.
Nouvelle-Calédonie : une adaptation indispensable, mais encore hypothétique
En juillet 2025, aucune annonce claire n’émane du vice-rectorat concernant EVARS. Le flou demeure. Des structures comme la Maison de la Prévention et de la Famille ont déjà engagé des actions ponctuelles autour du consentement ou des violences, mais elles agissent sans le cadre formel d’EVARS. Des initiatives scolaires comme « élèves pairs » au collège d’Auteuil montrent que la sensibilisation peut se faire autrement, localement et efficacement.
Adopter EVARS supposerait non seulement une consultation large, en particulier avec les instances coutumières, mais aussi une formation des enseignants, déjà très sollicités. La mise en œuvre effective, si elle devait voir le jour, ne pourrait se faire qu’en 2026 au plus tôt, et uniquement si les collectivités locales y trouvent un sens adapté à leur territoire.
Eduquer oui, imposer non
Le programme EVARS ambitionne d’encadrer davantage l’éducation à la sexualité. Mais en Nouvelle-Calédonie, sa transposition ne pourra se faire sans débat, ni sans adaptation. Toute démarche éducative autour de l’affectif ou de l’intime exige du temps, du respect des cultures et une pédagogie partagée. Plutôt que d’imposer un modèle standardisé, les autorités locales gagneraient à construire un programme sur-mesure, enraciné dans les réalités du territoire, et non plaqué depuis Paris.