Le 12 juillet 1998, la France basculait dans une autre dimension. Ce soir-là, les Bleus terrassaient le Brésil 3-0 et unifiaient un pays entier dans un élan de fierté.
1998, l’explosion d’une nation
C’était une nuit d’euphorie comme la France n’en avait pas connue depuis 1945, comme en témoigne Jean-Marie, habitant de Bourail :
On a réveillé tout le quartier à 6 h du matin !
Le 12 juillet 1998, des millions de Français se rassemblaient dans les rues, portés par un cri devenu culte : « Et un, et deux, et trois zéro ! ». Au Stade de France, les hommes d’Aimé Jacquet, longtemps décriés, venaient de battre le Brésil, favori incontesté, avec deux buts de Zinédine Zidane en première mi-temps, et un dernier, signé Emmanuel Petit, dans les arrêts de jeu.
La compétition, débutée dans une indifférence polie, avait peu à peu conquis les cœurs.
L’équipe de France, méthodique et solidaire, grimpe les échelons. Le quart de finale contre l’Italie, le 3 juillet, galvanise la nation.
Puis vient la demi-finale contre la Croatie, et ce doublé de Lilian Thuram, désormais entré dans la légende.
Match après match, les supporters restent fidèles, comme le raconte Rodolphe, habitant à Koné :
À chaque match, on y croyait un peu plus. Et à la fin… on a explosé de joie.
La finale, elle, transcende tout. Au coup de sifflet final, un million de personnes envahissent les Champs-Élysées, dans une liesse que même les anciens décrivent comme inédite. Le 13 juillet, les joueurs défilent sur les Champs, acclamés par une foule de 500 000 personnes. Jacques Chirac salue les héros. La République se redécouvre fière, vibrante, métissée.
Zidane, Aimé Jacquet et les fantômes oubliés
L’histoire retiendra le crâne de Zidane, ce geste signature qui scelle la finale dès la première mi-temps.
Mais elle n’oubliera pas non plus Aimé Jacquet, moqué pendant deux ans, qui impose sa méthode sans céder à la pression médiatique. Après la victoire, L’Équipe, qui l’avait critiqué avec virulence, publiera des excuses publiques. La rédemption d’un homme devient le symbole d’une revanche nationale. Derrière la fête, une construction discrète. L’équipe de 1998, ce sont des joueurs issus de toutes les classes sociales, de toutes les origines, soudés par le collectif.
Thuram, Desailly, Karembeu, Lizarazu, Blanc, Barthez… une mosaïque humaine qui fait de la France une exception dans le football mondial.
Cette « France black-blanc-beur », célébrée jusqu’à l’Élysée, réconcilie un pays fracturé — au moins pour un temps. Dans un contexte d’émeutes en banlieue quelques années plus tôt, cette équipe incarne ce que beaucoup veulent croire possible : une France unie, performante et réconciliée.
30 ans après, un souvenir intact
Que reste-t-il de 1998, trente ans après ? Tout, ou presque. La victoire est devenue mythe fondateur.
Le football français n’a cessé depuis d’osciller entre rêves et désillusions, mais jamais il n’a retrouvé cet élan brut, cette émotion collective si puissante. En 2018, les Bleus décrochent une deuxième étoile. Mais 1998, c’est autre chose. C’est une première fois. C’est l’insouciance d’un pays qui se découvre invincible.
Ce sont les larmes d’un Zidane survolté, la clameur d’une foule unifiée, les Champs-Élysées noyés sous les drapeaux tricolores.
Aujourd’hui encore, sur les réseaux sociaux, des milliers de Français partagent leur 12 juillet 1998 : un barbecue, une rue qui chante, un écran cathodique dans un salon d’HLM ou une place de village.
Les souvenirs affluent, intacts, transmis de génération en génération.
Cette date est devenue un repère, un totem collectif, comme le 14 Juillet ou le 11 Novembre.
Elle dit ce que la France peut être lorsqu’elle se rassemble, lorsqu’elle croit en elle, lorsqu’elle joue collectif. Et demain ? Peut-être un nouveau 12 juillet. Mais jamais plus le premier.