Le nouveau bilan de la délinquance en France tombe comme un couperet. Derrière les feux des JO, la criminalité continue de progresser. Parfois en silence.
Les violences explosent, mais l’intrafamilial reste le point noir
C’est le chiffre qui interpelle : +11 % de violences sur mineurs dans la sphère familiale. Une donnée glaçante, dans un pays pourtant en vigilance maximale. Les violences intrafamiliales, longtemps en hausse constante, ont ralenti en 2024 (+3 %), mais les actes envers les enfants poursuivent leur envolée. Fait inédit depuis 2019 : les violences conjugales n’augmentent plus.
Une pause statistique qui ne doit pas masquer l’ampleur du phénomène. Le Grenelle des violences conjugales, le mouvement #MeToo, les campagnes gouvernementales ont peut-être freiné l’escalade, mais sur le terrain, les associations alertent : la parole se libère, mais la réponse pénale reste trop lente.
Du côté des violences sexuelles, la hausse continue : +7 % sur un an, avec des violations de l’intimité en progression constante, notamment chez les plus jeunes. Le retard des dépôts de plainte reflète une autre réalité : la douleur silencieuse des victimes. Entre honte, peur des représailles et défiance envers la justice, de nombreuses agressions restent enterrées durant des années.
Fraudes, homicides, drogues : les nouvelles lignes de fracture
Escroqueries, fraudes bancaires et cybercriminalité explosent. En 2024, la moitié des fraudes sont désormais numériques. Une constante qui reflète une mutation profonde de la délinquance. Malgré les campagnes de prévention et les alertes répétées, le grand public reste une cible facile, notamment en période de grands événements comme les JO.
Sur les plateformes sociales, les tentatives de phishing et les usurpations d’identité se multiplient. Et les réponses judiciaires ? Trop lentes, trop faibles, parfois quasiment inexistantes.
Autre indicateur marquant : les homicides en baisse (–2 %), mais les tentatives en hausse (+7 %). Moins de morts, mais plus de tentatives… Un signal inquiétant. Le taux d’élucidation reste très inégal : 65 % pour les homicides, mais moins de 7 % pour les cambriolages ou les vols sans violence. En clair : en 2024, vous avez plus de chances d’être puni pour un crime que pour un vol chez un particulier.
Et le trafic de stupéfiants ? +6 % sur l’année, dopé par les opérations « place nette » et la surmobilisation des forces de l’ordre pendant les Jeux olympiques. L’usage explose (+10 %), porté par une amende forfaitaire devenue quasi automatique. La France consomme, la police encaisse, la justice sature.
Des cartes, des chiffres… et un sentiment d’insécurité en hausse
L’Atlas départemental de la délinquance lève le voile sur les inégalités territoriales. En Outre-mer, certains territoires cumulent les indicateurs les plus élevés, notamment sur les violences physiques et les atteintes aux biens. En métropole, les grandes villes concentrent les infractions liées à l’environnement, comme les dépôts sauvages d’ordures (+1 %).
Autre donnée qui interpelle : les profils des victimes et des auteurs. Les personnes mises en cause sont souvent plus âgées pour les atteintes aux personnes, tandis que les victimes sont de plus en plus jeunes. Une fracture générationnelle qui se creuse.
Parmi les éclairages inédits, le ministère pointe un fait peu relayé : les violences sexuelles et intrafamiliales sur mineurs sont de plus en plus déclarées avec plusieurs années de retard. Un phénomène alarmant, notamment dans les affaires de maltraitance, où 14 % des faits sont dénoncés plus de cinq ans après.
Enfin, les infractions liées au numérique s’imposent comme un pilier majeur de la criminalité actuelle : 398 700 faits enregistrés, +13 % sur un an. Attaques informatiques, atteintes à la vie privée, escroqueries aux faux supports techniques : l’écran est devenu une arme, et la justice court derrière.
Le rapport du SSMSI n’est pas un simple relevé de chiffres. Il dresse le portrait d’un pays fragmenté, où la délinquance se diversifie, se numérise et parfois se banalise.
Le sentiment d’insécurité grimpe, l’efficacité de la réponse pénale stagne, et l’écart entre infractions et élucidation devient un gouffre.
La République peut-elle encore garantir la sécurité pour tous ?