La République vacille. En s’attaquant à l’autonomie financière des territoires, l’État met en péril ses fondations. Ce n’est plus un débat de techniciens : c’est une alerte démocratique. Le dernier rapport du Sénat est sans ambiguïté : sans moyens clairs, sans cadre stable, les collectivités locales n’ont plus les ressources pour répondre aux urgences écologiques, sociales et territoriales.
Autonomie locale étranglée, élus à bout
En une décennie, les collectivités locales ont été dépossédées de leurs marges de manœuvre fiscales. Suppressions d’impôts locaux, compensations floues, instabilité budgétaire : les élus locaux sont réduits à gérer la pénurie. Derrière les sigles et les lois, la réalité est brutale : le lien entre les territoires et leurs ressources est rompu.
Résultat : services publics de proximité dégradés, perte d’incitation au développement économique, défiance croissante entre les citoyens et leurs représentants. Pire : certains élus jettent l’éponge, confrontés à des charges croissantes sans levier d’action. Le Sénat dénonce une dérive inquiétante : les collectivités sont devenues des opérateurs désincarnés de l’État central.
Climat, logement, transports : un mur d’investissements sans solution
Les chiffres sont vertigineux : 64 % des investissements publics sont portés par les collectivités, y compris ceux liés à la transition écologique. Or, ces dépenses doivent doubler d’ici 2030 pour atteindre les objectifs climatiques. Ponts, écoles, réseaux d’eau, transports en commun : tout est à refaire.
Mais face à cette urgence, les collectivités n’ont ni visibilité budgétaire, ni stratégie financière coordonnée avec l’État. Le Plan national d’adaptation au changement climatique ? Il ne repose sur aucune analyse économique sérieuse. Les élus locaux sont pris dans une équation impossible : agir sans moyens, planifier sans ressources.
Le Sénat propose un big bang démocratique et financier
Le constat est implacable. Sans autonomie fiscale réelle, sans liberté de dépense, sans gouvernance partagée, la décentralisation est morte. Le Sénat propose donc un changement de paradigme :
Inscrire l’autonomie fiscale dans la Constitution, pour redonner aux collectivités un vrai pouvoir de taux et d’assiette.
Garantir des ressources stables pour couvrir les dépenses obligatoires, et permettre des choix politiques réels au niveau local.
Créer un Conseil d’orientation des finances locales, véritable instance de dialogue et de vérité chiffrée, pour mettre fin à la bataille des chiffres entre l’État et les territoires.
Les propositions sont concrètes : réaffecter une part de la CSG aux départements, territorialiser l’impôt sur les sociétés pour les régions, revoir les bases foncières vétustes pour le bloc communal. Et surtout, sanctuariser les dotations d’investissement écologiques, au lieu de les remettre en jeu chaque année.
Ce rapport n’est pas un simple signal. C’est un ultimatum. Si l’État refuse de reconstruire un contrat financier et démocratique avec les collectivités, la République unitaire sombrera dans la centralisation inefficace et la défiance généralisée. La crise du logement, la fracture écologique, l’exode des élus locaux : tout converge vers une impasse.
Redonner de l’air aux territoires, c’est préserver le socle républicain. Le Sénat le dit clairement : la France ne réussira pas ses grandes transitions sans ses collectivités. Il est temps de leur rendre la main.