C’est une réforme discrète mais essentielle qui s’engage à transformer la prise en charge du handicap en Nouvelle-Calédonie. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE-NC) a rendu le 4 juillet dernier, un avis favorable sur un texte-clé qui amorce la création d’un guichet unique : la Maison calédonienne de l’autonomie (MCA).
Une réforme lourde de conséquences pour les familles, les aidants et les institutions, dans un contexte de pénurie de professionnels médico-sociaux et de fracture territoriale persistante.
Une réforme dictée par l’urgence sanitaire et juridique
Depuis 2009, le régime d’aides aux personnes en situation de handicap en Nouvelle-Calédonie reposait sur un empilement de structures : la CRHD, la CEJH, le CHD… Toutes ces entités délivraient des aides, évaluaient l’autonomie et statuaient sur les taux d’incapacité. Or, cette organisation contrevient à la loi organique de 1999, qui réserve l’application des décisions administratives au seul gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Le projet de loi du pays examiné par le CESE-NC prévoit donc une recentralisation des compétences au profit du GNC, et met fin à ce mille-feuille de commissions. Une clarification nécessaire dans un archipel où l’inégalité d’accès aux soins et aux aides sociales reste criante, notamment pour les populations éloignées du Grand Nouméa.
Autre mesure phare : la transformation du groupement d’intérêt public Handicap Dépendance Bien Vieillir (GIP HDBV) en une structure unique, la Maison calédonienne de l’autonomie. Objectif : simplifier les démarches des familles, coordonner les acteurs et éviter les dédoublements entre les services de la DASS, les pôles de gérontologie ou encore les établissements scolaires.
La Maison calédonienne de l’autonomie : espoirs et zones d’ombre
Si la MCA suscite de grands espoirs dans le secteur médico-social, plusieurs interrogations demeurent sur sa mise en œuvre concrète. D’abord, sa forme juridique : le texte privilégie le maintien en GIP, comme le HDBV, mais les conseillers du CESE-NC s’interrogent encore sur son statut de droit public ou privé, la composition de son conseil d’administration ou encore la mise à disposition du personnel.
Les rapporteurs insistent sur la nécessité de maintenir les antennes dans les provinces Nord et des Îles, en raison de l’éloignement géographique et de la surcharge des familles dans ces zones. Deux postes supplémentaires sont prévus, mais jugés largement insuffisants pour couvrir tout le territoire.
Par ailleurs, l’accessibilité numérique reste un point de vigilance. Une plateforme en ligne est envisagée, mais tous les foyers calédoniens ne disposent pas d’une connexion Internet fiable. Le CESE-NC recommande donc une clause de protection spécifique pour éviter que les plus vulnérables soient pénalisés en cas de non-déclaration numérique.
Enfin, le financement de cette nouvelle structure repose désormais sur le régime handicap et perte d’autonomie (RHPA), géré par l’ASS-NC et la CAFAT, en remplacement de la TSS supprimée depuis 2018. Si le gouvernement promet une continuité du service, le flou persiste sur la nature exacte du RHPA et son articulation budgétaire.
Des avancées réelles, mais un chantier encore inachevé
Au-delà du volet structurel, le projet de loi du pays corrige plusieurs lacunes juridiques. Il introduit pour la première fois une définition claire de l’action sociale, un mécanisme de suspension des aides en cas de manquement, et une série de dispositions transitoires pour garantir la continuité des prestations existantes.
Mais les défis restent nombreux. Le CESE-NC alerte sur le manque de professionnels pour assurer les mesures de protection juridique (tutelles), l’absence de précisions sur les conditions d’attribution des aides pour l’accessibilité du domicile, ou encore le flou sur les organismes payeurs (CAFAT, GNC ou MCA ?).
Par ailleurs, plusieurs textes connexes dorment dans les tiroirs : le projet de loi du pays sur l’intérim des travailleurs handicapés, déjà adopté par le gouvernement, attend toujours d’être débattu au Congrès. Quant au schéma directeur handicap et dépendance (SDHD), il est désormais jugé obsolète et remplacé par des mesures ponctuelles.
Le CESE-NC appelle donc à relancer ces chantiers législatifs et à créer une cartographie claire du réseau sanitaire et social de la Nouvelle-Calédonie.
L’avis a été adopté à l’unanimité par les 33 membres consultés, preuve que, malgré les incertitudes, le besoin de réforme est partagé — à condition que les promesses se traduisent enfin dans les faits.