Du 17 juillet au 2 août 1945, les « Trois Grands » se réunissent à Potsdam pour décider du sort de l’Allemagne. Staline, Truman et Churchill (remplacé en cours de conférence par Attlee) entendent poser les derniers jalons de l’après-guerre. Mais derrière la façade de coopération, la méfiance s’installe. L’URSS de Staline, qui a conquis militairement l’Europe centrale, impose, de fait, sa loi à l’Est. L’Occident, encore sonné par la guerre, ne peut que constater le rapport de force.
La conférence entérine pourtant des décisions majeures : démilitarisation complète de l’Allemagne, transfert de millions de civils, procès des nazis et organisation d’une occupation quadripartite. Le monde bascule déjà dans la logique de la guerre froide, alors que la bombe atomique vient d’être testée avec succès au Nouveau-Mexique. Truman n’en souffle mot, mais les équilibres changent.
L’Allemagne brisée : fin du Reich, début d’un démantèlement sans retour
L’accord de Potsdam acte la mort politique et militaire de l’Allemagne hitlérienne. Le pays est désarmé, ses élites nazies internées ou mises en jugement. Le territoire est divisé en quatre zones d’occupation (soviétique, américaine, britannique, française), avec une administration alliée commune relevant du Conseil de contrôle.
La conférence fixe les grands principes de l’après-nazisme : dénazification, décartellisation, démocratisation. L’idéologie raciale est bannie, les institutions du IIIe Reich démantelées, les lois discriminatoires abrogées. Le système judiciaire, l’enseignement et les partis politiques doivent désormais reposer sur des bases démocratiques locales.
Sur le plan économique, la production de guerre est interdite, les cartels sont dissous, et l’économie allemande est soumise à un strict contrôle allié. Les réparations sont organisées en zones : l’URSS s’attribue une part à l’Est, les Alliés occidentaux à l’Ouest. La priorité reste toutefois de garantir une subsistance minimale à la population allemande.
Des peuples déplacés, des frontières redessinées, un monde réorganisé
Le sort des populations est l’un des sujets les plus sensibles de la conférence. Plus de 11 millions d’Allemands sont déplacés d’Europe centrale vers l’Ouest. Ces transferts doivent être « ordonnés et humanitaires », selon les termes officiels, mais ils s’accompagnent souvent de violences et d’expulsions brutales. La conférence valide ces mouvements massifs sans réelle opposition.
La Pologne obtient l’administration des anciens territoires allemands à l’est de l’Oder-Neisse, en attendant un règlement de paix. L’URSS annexe définitivement Koenigsberg (futur Kaliningrad), tandis que la frontière occidentale de la Pologne reste en suspens. La nouvelle carte de l’Europe se dessine à huis clos, selon la logique des sphères d’influence.
Les traités de paix avec l’Italie et les anciens satellites de l’Axe (Bulgarie, Hongrie, Roumanie, Finlande) sont confiés à un nouveau Conseil des ministres des Affaires étrangères. L’ONU devient la nouvelle scène diplomatique, mais le refus d’admettre l’Espagne franquiste illustre déjà la fracture idéologique qui s’annonce.
Le grand retour des Soviétiques, l’entrée dans la guerre froide
Potsdam marque le triomphe diplomatique de Staline. Il impose ses vues sur l’Allemagne de l’Est, la Pologne et l’Europe centrale, grâce à ses conquêtes militaires. Les Anglo-Saxons, affaiblis et divisés, concèdent plus qu’ils ne négocient. Churchill, battu aux élections, laisse sa place à Attlee, moins aguerri. Truman, lui, tait l’existence de la bombe atomique, testée trois jours avant l’ouverture de la conférence.
En réalité, les bases d’une coopération entre vainqueurs s’effondrent. La confiance née à Yalta est morte à Potsdam. La déclaration finale évoque une paix durable, mais les armements, les frontières et les rivalités montrent une autre réalité. Le rideau de fer est déjà perceptible. Churchill l’a pressenti dès mai 1945 : « un rideau de fer est tombé sur le front russe ».
Le procès de Nuremberg, prévu en novembre 1945, servira de transition entre le jugement du passé et les batailles à venir. Potsdam, ultime moment d’unité fragile, annonce la polarisation du monde.