La France assise sur une fortune géologique ? Un rapport accablant de la Cour des comptes dénonce le retard de l’État dans l’exploitation stratégique de ses ressources minières.
Un potentiel stratégique gravement sous-estimé
La France regorge de ressources minières critiques, indispensables à la transition énergétique et à l’industrie de la défense : lithium, nickel, tungstène, terres rares, cobalt… Pourtant, selon la Cour des comptes, l’État ignore en grande partie l’étendue réelle de son sous-sol. Dans un rapport publié en juillet, l’institution financière dénonce l’absence d’un inventaire global actualisé, le manque de moyens alloués au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), et l’incapacité de l’administration à anticiper les besoins de demain.
Le constat est glaçant : aucune cartographie fiable de nos ressources profondes n’a été conduite depuis près de 30 ans. En métropole comme dans les Outre-mer, des gisements potentiels restent inexplorés, voire délaissés, faute d’investissements, de stratégie claire et de pilotage politique.
Nouvelle-Calédonie : l’eldorado sous tension
En première ligne : la Nouvelle-Calédonie, qui concentre entre 20 et 30 % des réserves mondiales de nickel, métal clé pour les batteries électriques. Le rapport souligne que la souveraineté minière française ne peut être assurée sans une politique cohérente dans l’archipel. Or, depuis les émeutes de mai 2024, l’industrie calédonienne est à genoux. Usines à l’arrêt, exportations paralysées, filières désorganisées.
Le BRGM, pourtant implanté à Nouméa, manque de moyens pour relancer des campagnes d’exploration ou d’analyse géologique à grande échelle. Faute de volonté politique, la France laisse le terrain à la Chine, à l’Indonésie ou à l’Australie, qui avancent leurs pions dans la zone indo-pacifique. Le rapport rappelle aussi que les conflits institutionnels autour du statut de la mine bloquent toute stratégie de long terme, pourtant cruciale pour sécuriser des approvisionnements critiques.
La Nouvelle-Calédonie, loin d’être un simple caillou, est un maillon essentiel de la souveraineté minière française, que le rapport appelle à traiter comme tel.
Le BRGM sous-financé, l’inventaire paralysé
Créé en 1959, le BRGM est censé être le bras armé de l’État pour explorer, cartographier et évaluer les ressources minières du pays. Mais ses crédits stagnent (à peine 90 millions d’euros annuels (10,8 milliards de francs CFP), ses effectifs fondent (1 000 agents contre 1 400 en 2010), et ses priorités sont éclatées entre environnement, risques naturels et missions scientifiques.
La Cour des comptes dénonce un pilotage flou et demande un véritable Plan Marshall pour la souveraineté minérale. Objectif : rétablir un grand inventaire national du sous-sol, relancer la prospection, moderniser les bases de données, et accroître l’attractivité de la France pour les industriels européens du recyclage et de la transformation.
Elle propose la création d’un fonds stratégique dédié aux minerais critiques, inspiré de ceux déployés par le Canada ou les États-Unis, afin de sécuriser l’approvisionnement et relocaliser certaines filières industrielles.
À l’heure où la Chine contrôle plus de 60 % de la transformation mondiale de terres rares, la France ne peut plus se permettre d’ignorer ses propres ressources. Le rapport tire la sonnette l’alarme : il ne s’agit plus uniquement d’enjeux écologiques ou économiques, mais bien de souveraineté.
Sans un sursaut immédiat, la transition énergétique, la réindustrialisation et la résilience stratégique nationale de la France seront compromises. Le sous-sol français, et en particulier celui de la Nouvelle-Calédonie, n’attend qu’un cap clair et des moyens à la hauteur de son potentiel.