Face à une économie calédonienne sinistrée, les élus loyalistes ont imposé un texte de relance fiscale sans précédent. Objectif : éviter le naufrage social et économique.
Une relance immobilière massive pour sauver le BTP
Réunis ce lundi 21 juillet en séance publique, les élus du Congrès de la Nouvelle-Calédonie avaient plusieurs textes à l’ordre du jour à examiner, notamment une proposition de loi du pays portant diverses mesures économiques et de reconstruction, portée par François Suve au nom de l’intergroupe Les Loyalistes.
Le marché de l’immobilier calédonien est à l’arrêt total. Depuis les émeutes de mai 2024, les transactions se sont effondrées de 80 %. La fédération du BTP tire la sonnette d’alarme : la moitié des emplois du secteur sont menacés.
Pour enrayer l’hémorragie, la loi du pays adoptée ce 21 juillet prévoit un abattement spectaculaire : les droits d’enregistrement passent de 4 % à 0,5 % pour toute acquisition à usage d’habitation principale entre 2025 et 2028. Les fameux « frais de notaire » deviennent ainsi quasi symboliques.
Autre mesure forte : la déductibilité totale et illimitée des intérêts d’emprunt sur toute acquisition ou construction durant la même période. Une incitation claire aux porteurs de projets, alors que les crédits immobiliers se raréfient.
Ces mesures sont ciblées et limitées dans le temps, mais visent à provoquer un choc de confiance pour relancer les chantiers, l’emploi et les recettes fiscales à moyen terme.
Santé en péril : des exonérations pour stopper l’exode des soignants
La situation sanitaire est critique. En 2024, 138 médecins ont quitté le territoire. Le Médipôle ne parvient plus à hospitaliser normalement. À Lifou, à Maré ou en Brousse, les centres médicaux ferment ou fonctionnent sans médecin.
La nouvelle loi du pays veut renverser la tendance : les professionnels de santé bénéficieront d’un abattement fiscal de 50 à 100 % selon les besoins géographiques ou les spécialités en tension. Et pour les infirmiers ? Une exonération totale d’impôt sur le revenu pendant quatre ans.
Un dispositif radical, conçu pour rétablir rapidement l’offre de soins. La dépense fiscale est assumée comme un mal nécessaire face à un risque sanitaire imminent. En parallèle, des arrêtés du gouvernement devront préciser les spécialités et zones concernées.
Reconstruction et pouvoir d’achat : une stratégie tous azimuts
Autre axe fort : le soutien aux entreprises sinistrées. Celles qui réinvestiront au moins 70 % de leurs indemnisations dans leur activité bénéficieront d’un amortissement fiscal accéléré sur 36 mois. Une manière de limiter la tentation de la cessation d’activité ou du départ hors territoire.
Côté ménages, la loi prévoit un geste en faveur du pouvoir d’achat : le plafond de l’avantage fiscal du quotient familial est temporairement supprimé. Une mesure qui cible 3 700 foyers et représente 1,2 milliard de francs injectés dans l’économie locale via la consommation. Elle vise aussi à freiner le solde migratoire négatif, qui a atteint 10 713 départs en 2024.
Enfin, le texte prévoit l’ouverture automatique des commerces le dimanche en zone touristique, notamment pour capter les dépenses des croisiéristes. Un gain de flexibilité attendu sans coût pour la puissance publique.
Porté par l’Intergroupe et voté à la majorité, ce texte marque un tournant dans la réponse à la crise calédonienne. Fiscalement agressif, politiquement clivant, il vise un redémarrage rapide et ciblé de l’économie. Les indépendantistes, eux, dénoncent une baisse de recettes fiscales qui pourrait creuser les inégalités. Reste à voir si les effets attendus sur l’emploi, la consommation et les soins se feront sentir rapidement.