Une enquête révèle incohérences et dérapages sur une page Facebook locale, soupçonnée d’achat massif de followers.
Une page qui annonçait déjà la couleur
Dès sa création, La Vérité en Calédonie affichait son cynisme : “La politique c’est simple : il suffit de mentir !”. Un slogan révélateur, encore visible sur la page, qui donne un avant-goût de la stratégie de communication assumée : gonfler artificiellement son influence, manipuler les faits et jouer sur l’illusion de popularité pour peser dans le débat public.
Un engagement qui fait polémique
La page La Vérité en Calédonie affiche un taux d’engagement de 11,85 %, plus du double de la moyenne pour une page de 20 000 à 100 000 abonnés. Ce chiffre flatteur contraste avec plusieurs dérives déjà pointées publiquement.
Le Haut-Commissariat de la République a condamné cette page pour des vidéos à caractère raciste, signalées au Procureur de la République. L’Union des Pompiers Calédoniens a également dénoncé la récupération de leurs publications officielles, modifiées et détournées, créant une fausse information.
Des abonnés aux profils douteux
L’analyse des derniers abonnés laisse peu de place au doute : une cascade de profils incohérents, qui n’ont manifestement rien à voir avec la Nouvelle-Calédonie, alimente artificiellement la croissance de certaines pages. Parmi eux, un certain Ibrahima Keita, basé à Washington, affiche 4 900 abonnés sans la moindre trace d’activité locale. À Abidjan, Sandjima Papa-Sandjo culmine à 5 400 followers, tout aussi déconnectés du contexte calédonien. Plus étrange encore, Damaluma Luma, qui oscille entre Haïti et Miami, revendique 1 200 abonnés. Et que dire d’Ahmed Yat, qui s’invente un lien avec le PSG pour gonfler sa crédibilité et compte 1 400 followers ? Une galerie de fantômes numériques qui en dit long sur les pratiques douteuses de certains communicants.
Beaucoup affichent la mention « profil – création digitale », un indicateur typique de comptes servant aux fermes à clics. Leur localisation (Afrique de l’Ouest, Haïti, Europe) n’a aucun lien avec la Nouvelle-Calédonie.
Une stratégie risquée pour simuler l’influence
L’achat de followers n’a rien d’anodin : c’est une mécanique bien huilée pour simuler l’influence et tenter de peser artificiellement dans le débat public. En gonflant les compteurs, certains cherchent à tromper les internautes, leur faisant croire qu’ils suivent une page plébiscitée, alors qu’elle n’est portée que par du vent numérique. Ce subterfuge joue sur un réflexe bien connu : plus une page semble populaire, plus elle attire naturellement de partages organiques — l’effet boule de neige. Et derrière cette stratégie, l’objectif est souvent clair : monétiser cette fausse notoriété, que ce soit par la publicité, des partenariats… ou une influence politique savamment déguisée.
Mais c’est une stratégie à haut risque. Car derrière les chiffres flatteurs se cache une réalité bien moins reluisante : ces faux abonnés, achetés à la chaîne, n’interagissent jamais. Aucun commentaire, aucun partage, aucun like réel, sauf si on paye ! Résultat : les algorithmes, de plus en plus affûtés, repèrent rapidement ce “bruit vide” et sanctionnent les pages jugées artificielles en les déréférençant, les reléguant dans les tréfonds du fil d’actualité. Pire encore, au moindre signalement, ces pages peuvent être supprimées sans sommation, du jour au lendemain.
Pour une poignée de dollars !
FastLike est l’un des nombreux sites spécialisés dans la vente de likes, de followers et de vues factices sur les réseaux sociaux. En quelques clics, n’importe qui peut acheter une “popularité” artificielle, à des tarifs dérisoires. L’objectif : gonfler son influence en ligne sans jamais la mériter. Une pratique opaque, tolérée par les plateformes… mais qui gangrène le débat public.
Des sanctions déjà prononcées
Facebook a déjà engagé des poursuites contre plusieurs entreprises. En France, des agences parisiennes ont été visées après avoir vendu des “abonnés francophones” qui n’étaient que des comptes indiens ou malgaches recyclés. Plusieurs influenceurs, dont des célébrités télévisuelles, ont perdu leurs partenariats suite à ces révélations. La jurisprudence Devumi aux États-Unis a fait date : la vente de faux abonnés est désormais qualifiée de pratique commerciale trompeuse.
Une manipulation qui interroge
L’explosion d’abonnés de La Vérité en Calédonie s’inscrit dans un mécanisme de manipulation de l’opinion, qui pose question à l’heure où les réseaux sociaux deviennent la principale source d’information pour une partie de la population.
Faut-il y voir une stratégie d’influence politique ? Un moyen de déstabiliser le débat public ? Ou une simple tentative de “faire le buzz” pour exister ?
Quoi qu’il en soit, les faits sont clairs : une audience sans racines locales, sans dialogue, sans communauté réelle, n’est qu’un château de cartes numérique.
Une croissance suspecte en une seule nuit
Les captures d’écran montrent qu’en l’espace de quelques heures, La Vérité en Calédonie a gagné près de 1 000 abonnés, passant de 27 593 à 28 479 followers. Une augmentation fulgurante, difficilement explicable par une activité organique sur une page locale. Cette hausse soudaine coïncide avec l’arrivée massive de profils étrangers, dont les noms et localisations (Afrique de l’Ouest, Moyen-Orient, Europe) n’ont aucun lien avec la Nouvelle-Calédonie.
Ce type de pic nocturne est typique d’un achat massif de followers, pratique courante dans les fermes à clics, où des lots de faux comptes sont ajoutés en quelques minutes pour gonfler artificiellement la popularité d’une page.
Des partages achetés pour gonfler artificiellement la portée
L’analyse des interactions révèle aussi un autre procédé : l’achat de partages et de likes.
Un exemple frappant est celui d’un profil, Iboun Bachir Kaba, qui relaie massivement des contenus de la page La Vérité en Calédonie tout en partageant d’autres vidéos sans aucun lien avec la Nouvelle-Calédonie (contenus religieux, agriculture en Afrique, billets de banque étrangers, etc.).
Ce type de profil, typique des fermes à clics, est payé pour générer du “bruit numérique” : likes, partages, commentaires automatisés. L’objectif ? Tromper l’algorithme de Facebook en simulant une forte interaction afin de rendre la page plus visible dans les fils d’actualité.
50 à 60 % de faux abonnés selon notre enquête
Après vérification approfondie des profils, notre enquête estime que 50 à 60 % des abonnés de cette page sont des comptes achetés via des fermes à clics. Ces profils sont souvent génériques, sans activité réelle, et basés à l’étranger.
Un signalement officiel a été transmis à Facebook, afin que leurs systèmes automatisés analysent la page et confirment la présence massive de faux abonnés.
Ce qu’il faut retenir
Les fermes à clics forment une véritable industrie mondialisée du faux, opérée depuis des pays comme le Bangladesh, le Pakistan, le Nigeria ou la Côte d’Ivoire. À coups de milliers de faux abonnés générés ou pilotés à distance, elles vendent une illusion d’influence pour quelques euros, sans le moindre scrupule, au mépris total de l’éthique numérique. La page « La Vérité en Calédonie » en porte aujourd’hui tous les stigmates : des abonnés venus d’Afrique de l’Ouest ou d’Asie du Sud-Est, des profils génériques sans lien avec la Nouvelle-Calédonie, et surtout, une absence flagrante d’interactions locales. Ce type de manipulation est loin d’être anodin. Il mine la confiance du public, brouille les repères du débat démocratique, et affaiblit les vraies communautés engagées. Pourtant, chacun peut ouvrir les yeux : en consultant la liste des abonnés d’une page, il est souvent facile de voir si les profils sont bien réels et locaux… ou s’ils relèvent tout simplement d’un achat massif de comptes fantômes.
En conclusion : la vérité, ce n’est pas un chiffre
Ceux qui achètent des fans cherchent à tromper, pas à convaincre. Une page Facebook, un média, une opinion ne valent pas par leur volume, mais par la qualité de leurs échanges, la cohérence de leurs idées et la fidélité de leurs lecteurs. Le reste ? Ce n’est que pixel et poudre aux yeux.
Comment vérifier les abonnés d’une page Facebook ?
1️⃣ Ouvrez la page Facebook que vous voulez analyser.
2️⃣ Descendez jusqu’à la section où apparaît le nombre de followers/abonnés.
3️⃣ Cliquez sur le nombre de followers pour afficher la liste complète des abonnés.
👉 En regardant les profils, vous pourrez rapidement voir s’ils sont locaux et réels (photos, amis, publications) ou s’il s’agit de faux comptes génériques souvent basés à l’étranger.
🔍 Astuce : faites cet exercice sur les pages que vous suivez : c’est le moyen le plus simple de repérer si une page a gonflé artificiellement son influence.