Un an après les violences de mai 2024, la Nouvelle-Calédonie lutte encore pour sortir de l’ornière économique. Chômage, entreprises en difficulté et flambée des prix forment un cocktail explosif.
C’est ce qui ressort de la dernière publication de l’ISEE-NC, parue ce lundi 28 juillet, et portant sur les principaux indicateurs économiques.
Une reprise fragile, portée par le nickel
Après une chute vertigineuse du PIB estimée entre 10 % et 15 % en 2024, l’économie calédonienne donne des signes timides de redressement au premier semestre 2025. Le seul domaine qui semble tirer son épingle du jeu, c’est le secteur du nickel. La reprise de l’extraction minière, notamment en mai, a soutenu la production métallurgique (6 154 tonnes de nickel) et boosté les exportations minières (près de 3 milliards F.CFP en juin).
Mais cette embellie reste insuffisante pour compenser les dégâts du passé. D’autres pans de l’économie demeurent sinistrés. Le tourisme enregistre une chute spectaculaire : entre janvier et mai, 21 000 touristes et 6 000 croisiéristes de moins ont foulé le sol calédonien par rapport à 2024. Un manque à gagner brutal pour les commerces, les hôtels et les petites structures dépendantes de cette clientèle.
Les entreprises restent à la peine, et si les créations surpassent les radiations, les défaillances judiciaires explosent, dont 78 liquidations rien qu’au deuxième trimestre 2025, contre 61 sur la même période l’année précédente.
L’emploi sous perfusion, l’incertitude en toile de fond
Le marché du travail reste marqué par un traumatisme profond. Si 660 emplois salariés ont été créés entre décembre 2024 et mars 2025, plus de 10 300 postes ont été perdus depuis mars 2024. Le dispositif de chômage total, lancé en urgence après les émeutes, arrive à son terme. En juin 2025, 4 000 personnes en bénéficient encore, dont 600 liés directement aux exactions. À comparer aux 6 000 en mars.
Le chômage partiel, qui a soutenu jusqu’à 15 000 salariés au pic de la crise, a été arrêté fin juin. Une nouvelle aide à l’emploi a été mise en place au 1er juillet, incluant une allocation exceptionnelle de maintien et une réduction dégressive des cotisations patronales, mais son efficacité reste encore à mesurer.
Le tissu économique peine à se réorganiser : le nombre d’employeurs actifs reste inférieur de 1 300 par rapport à l’avant-crise. L’artisanat, les travailleurs indépendants et les employés de maison subissent de plein fouet la contraction de la demande.
En parallèle, la précarité progresse. De nombreuses personnes en fin de droits, ou n’ayant jamais pu être indemnisées, plongent dans une spirale de perte de revenu, sans filet social suffisamment robuste.
Une inflation persistante qui érode le pouvoir d’achat
Comme si cela ne suffisait pas, la hausse des prix continue de peser lourd sur les ménages calédoniens. Depuis janvier, l’indice des prix à la consommation a progressé de +0,8 %, porté par un bond de +2,9 % sur l’alimentation, un poste incompressible pour les familles modestes.
Ce n’est pas un phénomène isolé. Les ménages les plus fragiles sont les plus touchés : les prix des produits de base ont augmenté de plus de 5 % pour les 20 % de foyers les plus pauvres, selon l’ISEE. Alors que les ressources diminuent, le coût de la vie continue de grimper, creusant les inégalités sociales.
La situation de trésorerie des entreprises reste, quant à elle, tendue : les créances douteuses ont bondi, atteignant près de 29 milliards F.CFP au 1er trimestre 2025 pour les entreprises, soit une augmentation de plus de 50 % en un an.
Les exportations totales restent inférieures aux importations, malgré le sursaut minier. Le solde commercial reste négatif à hauteur de 42 milliards F.CFP sur le premier semestre 2025.
Un an après les émeutes, la Nouvelle-Calédonie navigue toujours en eaux troubles. Si le nickel permet d’amortir les chocs, la fragilité structurelle de l’économie calédonienne demeure alarmante. Sans relance massive, réformes profondes et stabilité politique, le territoire risque de s’enliser dans une crise sociale durable.