L’USTKE rejette en bloc l’accord institutionnel de Bougival. Pour le syndicat, ce texte enterre la décolonisation et verrouille l’avenir.
Un rejet total du projet Bougival, accusé de trahir la décolonisation
Dans un communiqué daté du 1ᵉʳ août 2025, l’Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités (USTKE) rejette fermement le projet d’accord signé à Bougival le 12 juillet. Selon la centrale, ce texte ne poursuit aucun objectif de décolonisation, mais vise au contraire à verrouiller l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie dans le cadre républicain français, au mépris du droit à l’autodétermination reconnu par l’ONU.
L’USTKE critique une « marche forcée », bien en deçà de l’Accord de Nouméa ou des propositions de Deva, qui conduirait à une intégration définitive à la France, sans consentement libre ni éclairé du peuple premier. Le dégel du corps électoral est particulièrement visé : il est accusé de remettre en cause le principe de rééquilibrage politique issu des accords passés et de fragiliser la paix.
Cette position a été adoptée à l’unanimité par les adhérents réunis lors d’une assemblée générale extraordinaire le 24 juillet à Nouméa. L’organisation estime que l’accord de Bougival représente un « recul politique sans précédent » dans l’histoire du processus engagé depuis Nainville-les-Roches.
Une critique virulente du cadre institutionnel proposé
Au cœur des reproches de l’USTKE : la disparition de toute référence explicite au peuple kanak comme sujet spécifique de droit. Le texte substitue la notion de « peuple calédonien », jugée sans fondement historique ni légitimité politique. Pour le syndicat, cette dilution vise à dépolitiser la question de la souveraineté et à neutraliser le droit à l’autodétermination par des mécanismes constitutionnels français.
Autres griefs soulevés :
la légitimation de la colonisation de peuplement, par l’élargissement du corps électoral aux populations installées récemment ;
la marginalisation des forces indépendantistes, notamment par le déséquilibre institutionnel entre les provinces, où la province Sud serait surreprésentée.
L’USTKE considère qu’on ne peut conditionner la question de l’indépendance à un simple « pacte social et économique ». La souveraineté ne saurait être monnayée, mais doit être le socle de toute refondation sociale et économique du territoire.
Une pression directe sur le FLNKS et un rappel à la ligne dure
Le communiqué adresse également une mise en garde au FLNKS, principal mouvement indépendantiste, accusé de flou stratégique dans la séquence actuelle. L’USTKE appelle le front à sortir de l’ambiguïté et à reprendre la tête d’un véritable processus d’autodétermination, sans compromission avec les institutions françaises. Une pression qui s’ajoute sur le front indépendantiste, dont les principales composantes — l’UC et son bras armé, la CCAT, ainsi que la DUS — ont déjà fait savoir, par voie de communiqué, qu’elles refusaient l’accord signé le 12 juillet dernier à Paris. Le syndicat fondé par Louis Kotra Uregei marche ainsi dans les pas des plus radicaux, refusant la voie modérée (Palika, UPM, RDO), ces derniers ayant pourtant parlé, lors d’une conférence de presse le 9 juillet dernier, de « l’urgence sociale » à traiter dans les plus brefs délais.
Ce discours reprend mot pour mot une déclaration du 27 mai 2024, en pleine crise sécuritaire, où l’USTKE affirmait déjà qu’elle refuserait tout accord ne garantissant pas formellement l’accession à l’indépendance.
La ligne est claire : pour l’USTKE, l’indépendance n’est pas une variable d’ajustement, mais la seule issue légitime. Toute tentative d’intégration progressive est perçue comme une trahison du processus historique de décolonisation, amorcé avec la fin du code de l’indigénat en 1946.
Enfin, le texte se conclut sur un avertissement solennel :
Une identité calédonienne ne peut être bâtie sur l’oubli ou la négation du peuple premier : le peuple kanak.
Une formule qui réaffirme une vision exclusive de la souveraineté, fondée sur le primat kanak, excluant toute autre légitimité
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