Alors que l’Union calédonienne et les radicaux indépendantistes dénoncent l’accord de Bougival, les résultats d’un sondage récent révèlent un profond décalage entre leur discours institutionnel et les préoccupations réelles de la population calédonienne. C’est ce paradoxe que Manuel Valls pointe avec fermeté, en défendant un texte présenté comme le seul chemin vers la stabilité et la reconstruction.
Valls défend Bougival… et s’aligne sur les attentes du terrain
Dans un post Facebook publié ce 2 août, Manuel Valls monte au front pour défendre l’accord signé à Bougival le 12 juillet. Alors que certains parlent déjà d’échec, l’ex-Premier ministre récuse tout scénario de naufrage. Pour lui, le texte tient debout parce qu’il est porté par une large majorité politique : les Loyalistes, le Rassemblement, Calédonie ensemble, l’UNI-Palika, l’Éveil océanien et le RDO.
Seuls les tenants de la ligne dure – l’Union calédonienne, l’USTKE, la DUS ou encore le président du FLNKS – s’opposent frontalement au compromis. Pourtant, sur le terrain, leurs bases électorales semblent bien plus modérées.
Les Calédoniens veulent qu’on s’occupe d’eux, pas d’un schéma institutionnel
Le sondage est limpide :
– 56 % des personnes de statut coutumier (soit une majorité d’électeurs indépendantistes) placent les préoccupations du quotidien – santé, pouvoir d’achat, insécurité – bien avant les enjeux institutionnels ;
– 57 % des électeurs indépendantistes eux-mêmes affirment vouloir un redressement économique avant toute transition politique.
L’idée d’une indépendance immédiate est relativisée par le souci très concret de maintenir les services publics et le niveau de vie.
Autrement dit : les appels à la rupture immédiate ne sont pas suivis par la population, même dans les bastions indépendantistes.
Ce décalage entre la ligne radicale et les aspirations populaires met en lumière un tournant silencieux mais profond : les Calédoniens, dans leur immense majorité, veulent qu’on répare d’abord le réel.
Bougival : un accord politique, mais aussi un outil de stabilisation sociale
C’est précisément ce que Manuel Valls veut défendre. À ses yeux, l’accord de Bougival n’est pas une fin en soi, mais un levier pour reconstruire. Le calendrier est serré :
– réunion du comité de rédaction dès août à Nouméa ;
– rédaction des lois constitutionnelle, organique et fondamentale ;
– report des élections provinciales ;
– consultation des Calédoniens en février 2026.
Mais pour que ces échéances fassent sens, elles doivent répondre aux attentes exprimées dans le sondage. Le pacte institutionnel doit être intimement lié à un pacte social. Pas de paix sans emploi. Pas de stabilité sans écoles ouvertes ni dispensaires fonctionnels.
Les radicaux en porte-à-faux face à leur propre électorat
C’est là que le paradoxe est le plus flagrant. L’Union calédonienne, l’USTKE et leurs alliés les plus radicaux rejettent l’accord de Bougival au nom d’un projet d’émancipation totale et immédiate. Mais leurs propres électeurs, eux, souhaitent qu’on s’occupe d’abord du concret.
La contradiction est explosive : comment parler au nom d’un peuple quand ce peuple réclame l’inverse de ce que vous portez ?
Le sondage le confirme :
– Près de la moitié des indépendantistes modérés refusent une indépendance précipitée ;
– et la majorité de la population – toutes tendances confondues – souhaite ouvrir les négociations institutionnelles sans ignorer la réalité économique.
Cela renforce la ligne Valls : Bougival est un accord de compromis, adapté à l’époque, à condition de l’enraciner dans les urgences du quotidien.
Pour Manuel Valls, le cap reste clair : travailler avec toutes les délégations, en bilatérales ou en plénières, pour affiner les textes de loi et lever les ambiguïtés. Il se dit ouvert, disponible, prêt à expliquer et compléter.
Mais le message est aussi adressé à ceux qui bloquent : si vous prétendez parler au nom des Calédoniens, commencez par les écouter. Car le peuple, lui, n’est plus dans le tout ou rien. Il est dans le concret. Dans le besoin de stabilité.
Bougival n’est pas parfait. Mais c’est, pour beaucoup, le seul cadre existant pour reconstruire sans rompre. Et ce constat, de plus en plus partagé, pourrait bien isoler ceux qui refusent d’entendre le réel.