Clientélisme, nominations douteuses et chaos aérien : Trois mois après l’arrivée de Milakulo Tukumuli à la tête de l’ADANC, le constat est sans appel : la desserte aérienne calédonienne n’a jamais été aussi mal en point. Retards à répétition, vols annulés, gestion erratique… et un président aux abonnés absents. Le ciel calédonien plonge, et personne ne tient le manche.
Tukumuli président de l’ADANC, Xavier Martin parachuté ? Il serait pressenti pour la présidence d’Aircalin
Le 12 mai, dans un vote à couteaux tirés, Milakulo Tukumuli a été élu à la tête du conseil d’administration de l’ADANC, battant d’une voix Brieuc Frogier. Victoire rendue possible grâce à la voix décisive du représentant de Calédonie Ensemble. Mais derrière cette majorité bancale, c’est toute une logique de politisation accélérée qui se dévoile. Et malgré une représentativité objective du conseil, Milakulo Tukumuli a décidé unilatéralement la nomination de l’ensemble des nouveaux administrateurs d’Aircalin, dont l’arrivée controversée de Xavier Martin comme administrateur.
Le summum ? La candidature de Xavier Martin à la présidence d’Aircalin, actuellement exercée par Marcel Une. L’actuel DG de la CAFAT, connu pour sa gestion controversée de l’affaire Aparisi, serait aujourd’hui propulsé à la tête d’un établissement censé piloter l’avenir aérien du territoire. Le secteur s’étouffe, les observateurs grincent :
On nomme un contrôleur au poste de pilote… sans jamais vérifier s’il a déjà volé.
Aircalin : trois mois de naufrages aériens
Le timing n’aurait pas pu être pire. Alors que l’ADANC se transforme en succursale politique, Aircalin enchaîne les fiascos.
- Le vol Singapour-Nouméa du 30 juillet ? Annulé pour la deuxième fois d’affilée, en pleine période de vacances scolaires. Motif : la panne de l’A330 affrété… à une compagnie portugaise, faute d’anticipation sur la maintenance des appareils calédoniens.
- À bord de l’appareil portugais, le mécanicien censé réparer le Betico. Résultat : plus de Betico pour les îles, plus d’avion pour Nouméa, et des Calédoniens bloqués à Singapour sans information ni solution.
- En parallèle, le deuxième A330 d’Aircalin cloué au sol, également en maintenance, oblige la compagnie à multiplier les affrètements d’urgence. Factures salées, services dégradés, clients à bout.
Et ce n’est pas tout. Le vol SB741 du 1er août – toujours entre Singapour et Nouméa – est resté cloué au sol à cause d’une panne de servocommande d’aileron sur l’avion portugais Hi Fly, censé remplacer un autre appareil… déjà indisponible. Les passagers ? Abandonnés à leur sort. Certains témoignent de longues heures d’attente à Singapour, sans information ni encadrement sérieux. Quant au mécanicien du Betico – toujours à bord – il n’a pu rentrer. Résultat : le navire reste à quai, gyrocompas HS, et les îliens bloqués.
Et l’hécatombe continue. Le 2 août, c’est l’Airbus A330neo d’Aircalin lui-même qui tombe en panne à Roissy. Problème technique sur un équipement de sécurité : l’absence d’affichage des sorties de secours. 332 passagers impactés. Vol annulé. Tests électriques à effectuer. Et toujours aucun plan B concret annoncé par la compagnie.
Cerise sur le gâteau : la météo à Brisbane et en mer de Corail pourrait prochainement clouer les vols régionaux. Même le ciel semble vouloir fuir la désorganisation locale.
On touche ici au génie calédonien : quand une solution devient un problème, et que le plan B plante le plan A tout en torpillant le plan C. Et pendant ce temps, le passager, lui, attend. Encore.
Un outil public, un levier politique
L’ADANC – Agence pour la Desserte Aérienne de Nouvelle-Calédonie – avait une mission claire : garantir une connectivité durable entre les provinces et vers l’international. Mais depuis plusieurs années, l’agence est dévoyée de son cap initial, instrumentalisée par des décisions unilatérales comme l’achat de deux nouveaux Airbus en pleine crise budgétaire, validé par l’ex-président Tyuienon sans passage par le Congrès.
Et maintenant ? Transfert des parts de la Nouvelle-Calédonie dans Air Calédonie à l’ADANC, voté au Congrès le 21 juillet. Une opération « technique » qui centralise encore un peu plus les pouvoirs… et dépolitise encore un peu moins les décisions.
Quand les amis remplacent les compétences
Tukumuli, président. Martin, pressenti pour succéder à Marcel Une à la présidence d’Aircalin. Même pièce, même scénario : des hommes politiques qui se redistribuent les postes-clés dans une logique d’entre-soi, au mépris du bon sens opérationnel. Résultat : un chaos aérien qui se prolonge, des touristes en galère, des familles bloquées, et aucune perspective claire de redressement.
La compétence n’a jamais été un critère dans les nominations à l’ADANC,
souffle un cadre du secteur aérien.
Aujourd’hui, on le paie cash.
À quand un vrai cap pour le ciel calédonien ?
Dans une intervention au Congrès la semaine dernière, le conseiller Brieuc Frogier a rappelé à la présidente de l’institution que la stratégie aérienne est une compétence du Congrès et non d’un cercle restreint. Il a rappelé que cela fait plusieurs mois qu’il demande en vain la tenue d’une séance publique sur le sujet, et a réitéré que les recommandations de la Chambre territoriale des comptes doivent être appliquées : à savoir, organiser un véritable débat public sur l’avenir de la desserte internationale.
Est-ce qu’un jour, on va pouvoir parler en séance publique au Congrès de la stratégie aérienne internationale ?
a-t-il lancé, lassé de voir cette compétence confisquée par quelques-uns.
L’ADANC devait garantir une desserte équilibrée, désenclaver les îles, structurer l’attractivité. Elle n’est plus qu’un outil entre les mains de quelques-uns. Tukumuli aurait pu imprimer une marque de sérieux, choisir l’expertise plutôt que le copinage. Il a préféré consolider des équilibres politiques.
Le ciel calédonien mérite mieux. Il mérite des ingénieurs, des stratèges, des gens du secteur. Pas des « remerciés » d’institutions saturées ni des administrateurs à la retraite qu’on recase dans un cockpit pour services rendus.
Tant que cette logique perdurera, la question ne sera plus : comment décoller ?
Mais : jusqu’à quand allons-nous nous écraser ?