Les arnaques pyramidales prospèrent sur la naïveté et du vide juridique. Le gouvernement calédonien sort l’artillerie législative pour y mettre un terme.
Un code de la consommation renforcé pour traquer les ventes illicites
Face à la montée en puissance des escroqueries commerciales, la Nouvelle-Calédonie s’attaque aux systèmes de vente pyramidale, aussi appelés pratiques « à la boule de neige ». Le projet de loi examiné le 6 août 2025, après avis du Conseil d’État et du CESE, propose une refonte complète du droit local de la consommation. Objectif : mieux protéger les consommateurs calédoniens, en adaptant les peines et en clarifiant les interdictions.
Ce texte de loi instaure un véritable code de la consommation calédonien, en remplacement des dispositions vieillissantes de la délibération n°14 de 2004. Sont désormais définies et interdites les pratiques consistant à faire miroiter des gains ou des produits gratuits en échange du recrutement de nouveaux membres. Dans ce type de marketing de réseau frauduleux, la rémunération ne repose pas sur la vente de produits, mais sur l’afflux d’adhésions. Loin d’être marginal, ce phénomène gangrène les réseaux sociaux et certains cercles d’influence locale.
Ce cadre légal durci permettra également d’encadrer les systèmes de vente multi-niveaux (MLM), parfois utilisés comme façade légale à des montages pyramidaux, où les promesses de bénéfices faramineux masquent en réalité une logique d’appauvrissement des nouveaux entrants.
Sanctions alourdies : des peines alignées sur la métropole
Jusqu’ici, les sanctions prévues pour les pratiques commerciales illicites étaient dérisoires : une simple amende de 500 000 francs. Désormais, la loi prévoit jusqu’à 35 millions de francs d’amende et deux ans de prison, en cohérence avec le droit métropolitain. Cette évolution vise à rendre les fraudes nettement moins rentables pour leurs instigateurs.
La nouveauté majeure réside dans la capacité d’action des forces de police et de gendarmerie, désormais habilitées à intervenir directement. L’homologation de la peine d’emprisonnement sera toutefois soumise à une seconde délibération du Congrès.
Un exemple retentissant illustre l’ampleur de ces dérives : en mai 2019, plusieurs individus ont été interpellés pour une escroquerie liée à un prétendu héritage d’un soldat du Pacifique. Pendant deux ans, ils ont persuadé des particuliers d’investir des sommes d’argent pour « débloquer l’héritage », en leur promettant un remboursement rapide assorti d’une généreuse plus-value. En réalité, il s’agissait d’un montage frauduleux, dont le préjudice est estimé à près d’un milliard de francs CFP. Un véritable cas d’école de manipulation pyramidale, reposant sur la crédulité et l’appât du gain.
Crowdfunding, MLM ou arnaques ? Une frontière fine et piégeuse
Le financement participatif ou crowdfunding — mot-valise issu de « crowd » (foule) et « funding » (financement) — est à la mode. Il s’agit d’un mécanisme légal qui permet à un particulier ou à une entreprise de collecter des fonds auprès d’un large public via une plateforme en ligne. Ce financement peut prendre la forme de dons, de prêts (avec ou sans intérêts) ou d’investissements en capital.
Mais cette pratique, lorsqu’elle est détournée, peut rapidement servir de paravent à des escroqueries pyramidales. Ce sont souvent des proches, parfois eux-mêmes dupés, qui vous incitent à rejoindre un réseau, à « monter dans le train », promettant monts et merveilles contre un versement initial. Très vite, l’essentiel du « bénéfice » vient non pas de la vente d’un produit, mais du recrutement d’un nouveau membre.
La méthode est toujours la même : promesse d’indépendance financière, réunions payantes sur invitation, vidéos de présentation à accès restreint, appellations ronflantes comme « Leader Gold » ou « Hall of Fame », et mise en scène de styles de vie luxueux sur Instagram ou TikTok. Le tout sert à séduire les recrues, qui elles-mêmes devront recruter d’autres affiliés… jusqu’à l’effondrement inévitable de la pyramide.
En cas de doute, les autorités conseillent de ne jamais signer ni verser d’argent dans la précipitation, et de toujours vérifier la légalité de l’offre. En cas de suspicion, il faut collecter les preuves (captures d’écran, vidéos, coordonnées bancaires) et porter plainte auprès de la Police ou de la Gendarmerie, ou contacter la DAE (Direction des Affaires Économiques).
La Nouvelle-Calédonie se dote enfin des outils nécessaires pour contrer ces systèmes d’escroquerie organisés, souvent venus d’ailleurs, mais qui trouvent des relais locaux très actifs. Le combat contre les pratiques commerciales illicites, les systèmes pyramidaux et les chaînes d’argent passe aussi par l’éducation financière et la vigilance collective. Rien n’est gratuit, surtout pas le rêve d’enrichissement facile.