L’aviation domestique calédonienne traverse une zone de turbulences prolongée.
Entre pannes, météo capricieuse et finances fragiles, Air Calédonie doit se résoudre à vendre l’un de ses ATR 72.
Une vente contrainte qui illustre la fragilité de la compagnie
Fondée il y a 70 ans, Air Calédonie a longtemps incarné la fiabilité des liaisons interîles. Mais ces dernières années, la trajectoire s’est assombrie. En décembre dernier, l’anniversaire des sept décennies d’existence avait un goût amer : les difficultés techniques s’enchaînent et la météo, parfois extrême, perturbe régulièrement le programme des vols.
En 2017, l’arrivée d’un quatrième ATR 72-600 devait répondre à une hausse du trafic jugée historique. La compagnie, alors dirigée par Samuel Hnepeune, affichait une confiance solide dans l’avenir. Mais le choc du Covid-19 en 2021, suivi des tensions et blocages de mai 2024, a ébranlé à la fois le pouvoir d’achat des Calédoniens et l’attrait touristique de l’archipel.
Une flotte réduite à la portion congrue
Aujourd’hui, Air Calédonie ne dispose plus que de deux avions opérationnels. L’un de ses ATR est loué à Air Tahiti jusqu’en septembre, tandis qu’un autre partira définitivement avec la transaction confiée à ACC Aviation, spécialiste du remarketing aéronautique.
Résultat : la marge de manœuvre opérationnelle est quasi inexistante. La moindre panne ou imprévu météo entraîne un casse-tête pour maintenir le service. Ces tensions sont particulièrement sensibles en août, période de mariages et de grands déplacements coutumiers vers les îles. Les besoins explosent, mais l’offre de sièges reste limitée. En quelques jours seulement, ce sont presque 700 passagers qui ont été impactés par ces annulations de vols à répétition ; des aléas qui mettent Air Calédonie sous la pression d’une clientèle exaspérée par ces nombreuses annulations, alors que la période de vacances scolaires a débuté.
Un modèle économique à réinventer
Après avoir réduit ses effectifs d’un tiers en juillet dernier, Air Calédonie se trouve face à un choix stratégique : investir dans la modernisation de la flotte ou poursuivre une politique de contraction. Les dirigeants évoquent un retour « à la normale » à partir de septembre, lorsque l’ATR loué en Polynésie reviendra sur le tarmac calédonien. Mais cette normalité ne gommera pas les failles structurelles : un réseau dépendant de trop peu d’appareils, un trafic saisonnier fluctuant et une pression croissante sur les coûts.
La mise en vente de cet ATR 72-212 (600) ne se résume donc pas à une simple opération comptable : elle symbolise le passage d’Air Calédonie d’une logique d’expansion à une posture défensive. Et dans un contexte insulaire, chaque siège perdu est un lien de moins entre les familles, les coutumes et les territoires.