Un an après les émeutes de mai 2024, la Nouvelle-Calédonie entre dans une phase décisive. La Mission interministérielle pour la Nouvelle-Calédonie, menée par Claire Durrieu, veut aller bien au-delà d’une simple reconstruction. Objectif : refonder un modèle économique et social à bout de souffle. Si l’aide de l’État reste massive, elle s’accompagne désormais de conditions précises et d’engagements réciproques. Le nickel, la confiance des investisseurs et l’équilibre budgétaire sont au cœur du dispositif.
Une mission pour penser le long terme
Contrairement aux interventions ponctuelles des dernières années, la mission se veut structurelle et durable. L’État souhaite renforcer sa capacité à suivre les sujets économiques et financiers locaux, même si ces compétences ne relèvent pas directement de lui.
Le constat est clair :
On ne peut pas reconstruire un modèle qui était déjà à bout de souffle avant les émeutes
souligne la directrice. Les finances publiques étaient fragiles, le nickel non rentable depuis plus de dix ans, et la confiance économique érodée.
L’approche privilégie un redressement progressif : baisse des dépenses, augmentation des recettes, ou un mix des deux, au choix des Calédoniens. Mais l’équilibre budgétaire est une ligne rouge.
L’État et la Province Sud main dans la main
Sonia Backès, présidente de l’Assemblée de la province Sud, a reçu Claire Durrieu, afin de dresser un état des lieux précis des ravages laissés par l’insurrection de mai 2024 et évaluer l’efficacité des dispositifs d’urgence déjà déployés par la Province. Au menu des échanges, un constat lucide : la relance économique ne pourra se faire sans un engagement fort et durable de l’État, en appui des collectivités et du tissu économique local.
Cette mission porte une ambition : transformer la crise en opportunité de refondation
a souligné la Présidente, saluant la présence et l’écoute active de la représentante de l’État, gage d’un soutien concret pour l’avenir du territoire.
Une aide massive… mais conditionnelle
En 2024, les transferts budgétaires de l’État ont doublé, passant de 1,5 à près de 3 milliards d’euros, soit entre un quart et un tiers du PIB local. Une solidarité « considérable », mais adossée à des obligations.
Pour obtenir la deuxième tranche du prêt garanti par l’État, la Nouvelle-Calédonie doit présenter un plan pluriannuel de redressement et éviter toute mesure dégradant ses finances.
Ce sont des engagements réciproques, pas des injonctions
insiste la responsable de la mission. En parallèle, des chantiers de reconstruction ont déjà démarré : 60 subventions attribuées pour 57 millions d’euros (7 milliards CFP), couvrant bâtiments publics et infrastructures endommagées.
Le nickel, nerf de la guerre économique
Impossible de parler de relance sans évoquer la filière nickel. Le secteur est au bord de l’asphyxie : une usine à l’arrêt, deux autres en difficulté, et des coûts de production qui plombent la rentabilité.
La mission préconise une stratégie « pays » centrée sur trois leviers :
- Accès sécurisé à la ressource
- Réduction des coûts de fonctionnement
- Transition énergétique
Mais l’État prévient :
Même si on règle l’énergie, on ne règle pas tout. Les trois leviers doivent être actionnés en même temps
Une vision partagée pour restaurer la confiance
Au-delà des chiffres, la confiance est vue comme l’oxygène de l’économie. Elle conditionne l’investissement, la reprise d’activité et la stabilité sociale.
Pour la mission, la méthode est essentielle : fixer un calendrier clair, distinguer les « sucres rapides » (mesures à effet immédiat) des « sucres lents » (réformes structurelles). L’objectif est de savoir précisément quoi faire dans les 3, 6 et 12 prochains mois.
Cette vision doit être partagée par l’ensemble des acteurs : institutions, entreprises et citoyens.
Il y a des femmes et des hommes de bonne volonté ici, c’est sur eux que nous devons bâtir
affirme la directrice.
La Nouvelle-Calédonie n’est plus dans l’urgence post-émeutes, mais dans une bataille pour son avenir économique. L’État est prêt à soutenir, mais pas à blanc-seing : chaque franc devra s’accompagner d’un engagement clair.
Le nickel, l’équilibre budgétaire et la confiance des investisseurs seront les piliers de cette refondation. Reste à voir si les décideurs locaux sauront saisir cette opportunité avant que la fenêtre politique et économique ne se referme.