Ce qui devait être une fête agricole et populaire se retrouve au cœur d’un nouvel affrontement politique. L’affaire remonte au 8 mai dernier, lors de la commémoration de la victoire de 1945 à Bourail : l’absence du drapeau du FLNKS avait provoqué la colère de certains indépendantistes. Depuis, les coutumiers du district de Ny, menés par Julien Boanemoi, ont multiplié les menaces de blocage, transformant une querelle symbolique en bras de fer politique.
Après plusieurs semaines de discussions avec la mairie, le Haut-Commissariat et les acteurs locaux, le maire de Bourail, Patrick Robelin, annonçait dimanche soir au JT que la foire aurait bien lieu. Une annonce qui a aussitôt déclenché une sortie médiatique de Julien Boanemoi :
On n’est pas du tout d’accord. J’appelle la population, surtout le peuple kanak, à boycotter cette foire.
Une déclaration qui, au lieu d’apaiser les tensions, sonne comme une volonté de punir un événement rassemblant chaque année des milliers de Calédoniens, au nom de revendications politiques et personnelles – parmi lesquelles figure la démission du président du comité de foire. Une position qui montre aussi une déconnexion totale avec la réalité économique de nombreux habitants du district, pour qui la foire représente une opportunité rare de vendre leurs produits, tenir un stand et gagner un peu d’argent. Il y a ceux qui peinent à joindre les deux bouts, et ceux qui, comme lui, n’ont pas de problème financier et peuvent se permettre de priver leur population de cette bouffée d’air économique.
Le maire rassure, les organisateurs maintiennent
Face à cet appel au boycott, le maire se veut serein :
Je fais confiance aux coutumiers. Je suis sûr que la foire pourra se dérouler dans de bonnes conditions, qu’il n’y aura pas de blocage.
Même son de cloche du côté du président du comité, Levay Roy, qui balaie les rumeurs d’annulation : la foire aura bien lieu du 15 au 17 août sur le site de Téné. Un dispositif de sécurité inédit a été mis en place : poste de commandement regroupant gendarmerie, pompiers, police municipale et direction de la sécurité du Haut-Commissariat, surveillance des axes routiers, coordination permanente.
Un rendez-vous au-dessus des clivages ?
Derrière cette querelle, l’enjeu est aussi économique et identitaire. La Foire de Bourail, 47 ans d’histoire, c’est près de 20 000 visiteurs attendus, 700 stands, plus de 650 millions de francs CFP de retombées économiques, et une vitrine du savoir-faire agricole local. Les organisateurs veulent recentrer l’événement sur son ADN : concours d’élevage, promotion des produits locaux, animations traditionnelles et nouveautés, gastronomie, spectacles équestres et mécaniques.
Tensions en toile de fond
Si la mairie espère un rendez-vous « au-dessus des divisions », Julien Boanemoi campe sur une ligne dure, refusant toute dissociation entre sa bataille politique et un événement qui dépasse son seul agenda. Pour lui, le retrait du drapeau du FLNKS le 8 mai est « une atteinte à l’identité kanak ». Un geste qui, selon lui, met en cause le « vivre ensemble » à Bourail.
Reste à savoir si l’appel au boycott aura un effet réel ou s’il sera noyé dans l’afflux des visiteurs. Ce qui est certain, c’est que les organisateurs, eux, ont choisi de maintenir coûte que coûte cette vitrine de la brousse calédonienne, face à une opposition qui confond désormais revendication politique et prise en otage d’un rendez-vous populaire.