Un vote sous tension, des débats électriques et un enjeu colossal pour l’avenir budgétaire de la Nouvelle-Calédonie.
Après des heures de bras de fer politique, le Congrès a adopté le plan d’économies structurelles du gouvernement Ponga.
Une adoption à l’arraché, après cinq heures de débats
Jeudi 14 août, le Congrès de Nouvelle-Calédonie a voté un texte central pour le gouvernement collégial : un plan de réformes visant à rétablir l’équilibre des comptes sociaux d’ici 2028 et à relancer l’économie. L’enjeu ? Obtenir le versement de la seconde tranche du prêt garanti par l’État, soit 28 milliards de francs CFP.
L’examen de ce projet tant décrié n’aura pas été un long fleuve tranquille : cinq heures de débats houleux, une motion préjudicielle déposée puis retirée, plusieurs suspensions de séance… et une présidente du Congrès qui tente, en vain, de renvoyer le texte en commission, initiative rejetée par les conseillers.
Finalement, la majorité se dégage de justesse : 25 voix pour (Les Loyalistes, Rassemblement et UNI) contre 21 voix (UC-FLNKS, Nationalistes, Calédonie ensemble et Éveil océanien).
Pour Alcide Ponga, président du gouvernement, cette adoption est un passage obligé : sans ce plan, la Calédonie risquait de voir s’effondrer ses finances publiques. Thierry Santa, membre du gouvernement en charge du budget, a prévenu d’un ton martial :
Quand y’a pas, y’a pas. Avant de poursuivre, pour bien dire les choses : On n’a plus un rond, c’est clair ? Là, à partir du mois d’octobre, si on n’a pas un deuxième versement de l’État, notre système hospitalier se casse la figure, notre système électrique se casse la figure et les collectivités calédoniennes se cassent la figure. C’est ça, la réalité.
Une opposition vent debout contre la « cure d’austérité »
Si l’exécutif parle de réformes indispensables, l’opposition dénonce un « braquage social ». Vaimu’a Muliava (Éveil océanien) critique un texte qui touche de plein fouet les familles et les classes moyennes. Philippe Gomès (Calédonie ensemble) évoque même « une attaque en règle contre les familles calédoniennes », rappelant que 25 % des emplois ont déjà disparu.
Les points de friction sont nombreux :
Réduction des allocations familiales pour 4 600 ménages dépassant un revenu annuel de 6,9 millions de francs CFP.
Baisse de 10 % de la prise en charge du RUAMM.
Allègement de 5 points de l’impôt sur les sociétés, perçu comme un cadeau aux entreprises.
La Fédé, mobilisée devant le Congrès le matin même, dénonce un programme qui « prend aux plus pauvres pour donner aux entreprises ». Pour le syndicat, le gouvernement choisit l’austérité plutôt que des réformes structurelles plus équitables. Le secrétaire général de la Fédé était prêt encore à battre le pavé si l’exécutif local n’infléchissait pas sa feuille de route dans les semaines à venir.
Un compromis trouvé grâce au comité de suivi
Pour rallier une partie des récalcitrants, notamment au sein de l’UNI, Les Loyalistes et le Rassemblement proposent la création d’un comité de suivi du plan. Cet organe réunira le président du Congrès, celui du gouvernement, les chefs de groupe et les présidents des assemblées de province. Objectif : amender le plan et ajuster ses mesures en cours de route.
Ce texte a été amendé à plusieurs reprises, comme l’a rappelé le membre du gouvernement en charge du budget :
On a retiré de ce plan les points les plus contentieux au sein de ce Congrès de la Nouvelle-Calédonie.
Cette concession permet à l’UNI de basculer dans le camp du « oui » :
Nous, en responsabilité, nous voterons les amendements, notamment sur le comité de suivi, a déclaré la vice-présidente du groupe UNI au Congrès, Ithupane Tieoue.
Mais le groupe présidé par Jean-Pierre Djaïwé a rappelé qu’il resterait vigilant sur les mesures qui seront inscrites dans les divers projets de texte.
Pour le gouvernement, l’heure est à l’action. Pour ses opposants, le combat ne fait que commencer : chaque projet de loi du pays sera l’occasion de remettre en question les choix politiques et économiques qui façonneront la Calédonie de demain.
Cette étape du jeudi 14 août ne fut qu’un premier pas. Le plus difficile reste à venir : les réformes structurelles que le territoire n’aura plus le luxe de retarder, telles que celles de la TGC, de la CCS ou du RUAMM. Voilà, pour les élus calédoniens, leur Himalaya à franchir dans les prochaines semaines.