La plage d’Anse-Vata, les marchés de Nouméa, les paillotes improvisées en bord de mer ou encore les locations de jet-skis : autant d’activités qui reposent sur un droit juridique fragile, l’autorisation d’occupation temporaire (AOT). Derrière cette pratique banalisée se cache une règle stricte : le domaine public ne se vend pas, ne se cède pas, et son occupation n’est qu’une tolérance précaire. Rappel salutaire : en Calédonie, trop d’acteurs confondent l’usage provisoire avec un droit acquis.
Le domaine public, de la promenade de Nouméa aux rivages des îles
Routes, places, plages, quais ou bâtiments collectifs : tout cela relève du domaine public. À Nouméa, la promenade Pierre Vernier ou les esplanades du marché municipal en sont des exemples emblématiques. Dans les îles, le domaine maritime est particulièrement concerné : plages de Lifou, pontons de Maré ou zones touristiques d’Ouvéa.
Ces espaces appartiennent à la collectivité et à tous les citoyens. Ils peuvent être prêtés à un restaurateur, à une association culturelle ou à un organisateur de festival, mais toujours sous condition, car ils doivent avant tout rester au service de l’intérêt général.
Une AOT : tolérance fragile pour paillotes et marchés
Les AOT sont souvent accordées à des paillotes de bord de plage, à des food-trucks installés temporairement sur un parking communal, ou encore aux vendeurs des marchés forains. Mais attention : cette autorisation reste révocable à tout moment.
À Nouméa, certains commerçants de marché estiment être « chez eux » après des années d’occupation du même emplacement. Juridiquement, ils n’ont aucun droit définitif : la mairie peut retirer l’autorisation du jour au lendemain, par exemple pour réaménager la place ou privilégier un projet d’intérêt général.
Même logique pour les paillotes touristiques à l’Anse-Vata : une activité peut prospérer pendant cinq ans et être stoppée sans recours solide. Investir sans sécuriser une convention est un pari risqué.
Tourisme et loisirs : des contentieux déjà vécus
La location de kayaks, de jet-skis ou de vélos sur la plage est une illustration classique. Plusieurs opérateurs touristiques se sont vu retirer leur autorisation après des plaintes de riverains pour nuisances ou accidents liés à l’activité.
Le droit est clair : si la collectivité estime que l’activité ne respecte plus l’intérêt général, elle peut mettre fin à l’AOT. Certains commerçants ont déjà tenté de contester, mais les juges rappellent toujours la règle : aucune autorisation temporaire n’est un droit acquis.
Les règles d’égalité : Nouméa et la bataille des emplacements
À Nouméa, l’attribution des emplacements lors du marché de Noël ou du marché de Ducos illustre une autre difficulté : l’égalité entre les candidats. Quand certains obtiennent un emplacement convoité et d’autres sont refusés, les contestations pleuvent.
Dans les îles, des opérateurs touristiques locaux se plaignent d’avoir été écartés au profit de sociétés extérieures mieux structurées. Là encore, le droit impose transparence et concurrence loyale. Mais dans la pratique, les frustrations sont nombreuses et les recours devant le tribunal administratif, de plus en plus fréquents.
Un cadre à sécuriser pour l’économie locale
Pour protéger leurs investissements, certains entrepreneurs demandent des conventions plus solides ou, dans de rares cas, un bail emphytéotique pouvant durer jusqu’à 99 ans. Cela reste exceptionnel en Calédonie, mais permet de sécuriser un projet touristique ou culturel majeur.
Sans cela, l’AOT demeure une tolérance fragile. « Le temporaire devient permanent » disent souvent les acteurs locaux. Mais cette illusion est dangereuse : l’histoire récente des paillotes démontées, des stands de marché supprimés ou des activités touristiques stoppées montre que la collectivité garde toujours la main.
En Calédonie, l’autorisation d’occupation temporaire est partout, mais mal comprise. Des marchés de Nouméa aux plages des îles Loyauté, beaucoup d’activités reposent sur ce régime juridique précaire. Aucun opérateur ne doit croire qu’un emplacement est un droit acquis. Tant que l’intérêt général prime, la collectivité peut retirer son autorisation à tout moment.
Un rappel nécessaire dans un territoire où l’habitude et la coutume pèsent souvent plus que la règle écrite. Mais le droit, lui, est implacable : le domaine public appartient à tous, pas à ceux qui l’occupent.