Un rapport d’activité dense, des frais en hausse, mais une utilité toujours contestée. Le CESE de Nouvelle-Calédonie multiplie les avis, sans jamais décider.
Le CESE, une institution consultative qui coûte cher
Créé pour donner la parole à la société civile, le Conseil économique, social et environnemental de Nouvelle-Calédonie (CESE-NC) regroupe 41 membres issus de divers horizons. Son rôle est clair : rendre des avis, émettre des vœux, produire des contributions. En 2024, malgré un contexte de crise marqué par les émeutes de mai 2024, l’institution présidée par Jean-Louis d’Anglebermes a présenté 24 avis, 2 vœux et 4 contributions.
Sur le papier, l’activité semble intense : contribution au plan de sauvegarde, de refondation et de reconstruction (PS2R), recommandations sur la santé, le nickel, la culture ou encore la lutte contre l’exclusion. Le CESE a aussi alerté sur la paupérisation croissante de la société calédonienne, pointant la hausse inquiétante du nombre de sans-abri, de jeunes en errance et de femmes victimes de violences.
Mais derrière la façade, une réalité s’impose : ses avis n’ont aucune valeur contraignante. Ses textes s’empilent dans les archives du Congrès, rarement suivis d’effets.
Des frais de fonctionnement en forte progression
La critique la plus récurrente vise les dépenses de fonctionnement. Le rapport financier est sans appel : en 2022, les dotations budgétaires atteignaient déjà 77,6 millions CFP ; elles sont montées à 90,2 millions en 2023, puis à plus de 100,5 millions en 2024. Une hausse qui tranche avec l’austérité imposée aux Calédoniens. La Chambre territoriale des comptes avait déjà alerté sur les frais de mission et de déplacements. En 2023, ils s’élevaient à 24 millions CFP ; en 2024 encore, près de 9,6 millions CFP ont été dépensés. Une somme considérable, alors même que la visioconférence s’est généralisée et que les réunions pourraient être organisées sans frais aussi élevés.
Ces dépenses apparaissent d’autant plus choquantes que la Nouvelle-Calédonie vit une crise budgétaire et sociale sans précédent. Pendant que les familles peinent à remplir leur caddie, les membres du CESE multiplient rencontres officielles et missions extérieures, de Strasbourg à Paris.
Des missions en décalage avec les priorités du pays
Le rapport 2024 du CESE-NC met en avant des voyages en métropole, des congrès, des visites au Sénat coutumier ou encore la signature de conventions avec l’université et la Chambre territoriale des comptes. Officiellement présentés comme un renforcement du dialogue institutionnel, ces déplacements sont perçus par de nombreux Calédoniens comme de coûteuses tournées diplomatiques, sans impact réel sur leur quotidien.
Les priorités, elles, sont ailleurs : sécurité, emploi, pouvoir d’achat. L’exemple du vœu 02/2024, consacré à la paupérisation des marginalisés, illustre bien cette impuissance : le CESE propose de recenser les sans-abri ou de renforcer les CCAS, mais ses recommandations restent lettre morte, faute de valeur contraignante.
À Paris, la suppression du CESE national est déjà débattue. La question se pose donc avec encore plus d’acuité en Nouvelle-Calédonie : pourquoi maintenir une institution consultative, financée par l’argent public, dont les avis trouvent si peu d’écho dans la population ? Alors que le pays appelle les citoyens à « se serrer la ceinture », la légitimité même du CESE-NC est remise en cause, symbole d’une lourdeur institutionnelle coûteuse et déconnectée des urgences calédoniennes.
Une dérive institutionnelle plus large
Au fond, le CESE-NC illustre une dérive plus large : celle d’un pays qui multiplie les couches administratives, commissions, comités et institutions, sans que cela produise davantage de décisions concrètes. Les réformes urgentes (sécurité sociale, finances publiques, avenir du nickel) attendent, tandis que le CESE publie des avis qui n’engagent personne.
Les élus et la société civile doivent avoir le courage de poser la question frontalement : à quoi sert vraiment le CESE ? Dans un territoire en crise, il ne suffit plus de produire des rapports bien rédigés. Les Calédoniens attendent des mesures fortes, une action publique efficace et un allègement des dépenses inutiles.