De la Samoa aux îles Marshall, en passant par Tuvalu, les communautés insulaires du Pacifique bâtissent des murs de protection côtière pour se défendre contre la montée inexorable du niveau de la mer. Si ces ouvrages d’ingénierie civile offrent un sentiment de sécurité et un répit temporaire, les experts alertent : ces solutions sont coûteuses, souvent éphémères et ne suffiront pas à elles seules à sauver les territoires les plus menacés.
Des communautés en première ligne
À Lauli’i, sur l’île principale de Samoa, les habitants ont vu les vagues détruire maisons et sépultures. La construction, en mai dernier, d’un nouveau mur de protection à 1,9 million de dollars, financé par la Nouvelle-Zélande, a changé la donne. « Les familles se sentent enfin en sécurité », témoigne Simeona Tapeneko, un résident du village.
Dans les îles Marshall, l’île densément peuplée d’Ebeye reçoit 65 000 tonnes de roches venues de Dubaï pour édifier un mur de 1,8 km, financé par la Banque mondiale et le Fonds vert pour le climat.
Des solutions coûteuses et temporaires
Pourtant, selon les chercheurs en adaptation au changement climatique, ces infrastructures ne constituent qu’un répit à court terme. Le professeur Patrick Nunn, de l’université de Sunshine Coast, estime qu’un mur construit sur une côte en érosion ne dure que 18 à 24 mois dans des zones rurales sans moyens techniques.
Les anciens murs effondrés parsèment aujourd’hui les littoraux du Pacifique. Et selon le chercheur australien Jon Barnett, les murs doivent être sans cesse rehaussés et prolongés, ce qui les rend économiquement difficiles à maintenir pour des pays aux ressources limitées.
Des alternatives : relocation et solutions naturelles
Certains experts préconisent une relocation vers l’intérieur des terres, notamment pour les villages situés sur des îles volcaniques plus élevées. D’autres plaident pour des solutions fondées sur la nature, comme les mangroves, les digues végétalisées ou les murs en pente douce.
À Tuvalu, des terrains ont été reconquis sur la mer grâce à du sable dragué dans les lagons, protégé ensuite par des murs en blocs de béton ou sacs de sable. Des projets comme le Nanumea Salvation Seawall, imaginé par l’ingénieur local Truman Lomi, visent à protéger l’intégralité des côtes d’une île.
Espoir, résilience… et lucidité
Au-delà de leur efficacité technique, les digues apportent une réassurance psychologique aux habitants. Mais les chercheurs avertissent : il ne faut pas tomber dans le piège du faux espoir. « Il est crucial d’expliquer ce que les digues peuvent — ou non — accomplir », souligne la chercheuse Annah Piggott-McKellar.
Alors que certains pays riches commencent à se retirer face aux coûts, les îles du Pacifique, elles, luttent mètre après mètre pour préserver leur territoire, leur culture et leur avenir.