Derrière l’appel à l’unité, l’ombre d’un procès lourd de soupçons
Invité sur le plateau d’une émission politique pour évoquer l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, Philippe Gomès, fondateur de Calédonie Ensemble, s’est posé en artisan du consensus et de la modération. Mais derrière ce discours apaisant plane une affaire judiciaire majeure : le procès pour emplois fictifs en cours au tribunal correctionnel de Nouméa.
Depuis le 12 mai, Gomès et plusieurs cadres de son parti comparaissent pour des faits présumés de détournement de fonds publics entre 2014 et 2018, à l’époque où Calédonie Ensemble dirigeait la province Sud. La justice les accuse d’avoir mis en place un « système destiné à asseoir un clientélisme politique » au sein de la communauté wallisienne et futunienne. Le parquet a requis quatre ans de prison dont deux ferme avec bracelet électronique, ainsi que cinq ans d’inéligibilité immédiate contre l’ancien député.
« Le non-accord, c’est la tombe du pays »,
Martèle Gomès à l’antenne. Mais pour certains, c’est surtout l’accumulation des compromissions passées qui menace aujourd’hui la Nouvelle-Calédonie.
Un chef de parti affaibli qui veut encore fixer le cap
Lors de son intervention, Philippe Gomès a tenté de recentrer le débat autour du référendum de projet, une formule consensuelle qu’il présente comme la seule issue viable. Il met en avant le projet Valls, qui combinerait souveraineté locale et maintien du lien avec la France. Pourtant, difficile de ne pas y voir une manœuvre politique visant à rester dans la course, au moment même où il est rattrapé par des affaires judiciaires.
Alors qu’il affirme qu’il ne sera pas candidat aux prochaines élections, Gomès insiste pour garder « le droit de s’exprimer » en politique. Mais nombreux sont ceux qui pointent une contradiction : peut-on encore moralement porter la voix de la modération quand on est accusé d’avoir instrumentalisé les institutions à des fins électoralistes ?
« Ce n’est pas le procureur qui décide, c’est le tribunal »
S’est-il défendu. Une phrase qui sonne comme un aveu de fragilité, alors que le jugement attendu le 1er juillet pourrait radicalement changer la donne.
Le vernis de la paix fissuré par une stratégie de pouvoir
Le discours d’union nationale porté par Gomès contraste avec les méthodes révélées par l’enquête : découpage de postes à temps partiel, embauche de personnalités influentes sans fonctions avérées, préjudice estimé à près d’un milliard de francs CFP. Si l’ancien député et ses co-prévenus réfutent les accusations, l’image de Calédonie Ensemble est entachée, et avec elle, la crédibilité de ceux qui prétendent aujourd’hui rassembler.
Dans ce contexte, la dénonciation de la « radicalité » des autres camps sonne comme une tentative de se refaire une légitimité politique, en se présentant comme la voix de la raison. Mais pour de nombreux Calédoniens, la confiance est rompue. Le combat pour l’avenir du territoire ne peut se jouer dans l’ombre de soupçons aussi graves.
Philippe Gomès peut-il encore incarner l’avenir ?
À l’heure où la Nouvelle-Calédonie fait face à une crise institutionnelle, économique et sociale, le procès des dirigeants de Calédonie Ensemble jette une lumière crue sur les pratiques opaques de certains responsables politiques. Si Philippe Gomès se veut le porte-étendard d’une solution pacifique et partagée, il devra d’abord affronter un jugement politique et moral bien plus profond : celui de l’opinion publique.
Le 1er juillet, la justice tranchera. Mais d’ores et déjà, une question s’impose : l’homme qui se dit bâtisseur de consensus est-il encore crédible pour tourner la page ?