TRIBUNE. L’Institut des Français de l’étranger, think tank d’inspiration libérale, propose des solutions concrètes pour responsabiliser les Français, sur le modèle de certains de nos voisins européens.
Depuis près de cinquante ans, l’État s’est peu à peu introduit dans les moindres recoins de la vie des citoyens, ces derniers s’habituant à une sorte de dépendance continuelle aux aides et soutiens fournis. Cette dépendance a un prix : celui d’une liberté qui se retrouve « encadrée », « organisée » afin théoriquement de mieux répondre aux besoins.
De fait, le modèle social français, longtemps motif de fierté, montre aujourd’hui ses limites. Premier pays de l’OCDE en matière de dépenses sociales – près de 32 % du PIB –, la France reste pourtant confrontée à une précarité persistante, une dette sociale croissante et une défiance envers ses institutions. Seuls 26 % des Français déclarent avoir confiance dans la politique et les institutions gouvernementales, selon le dernier baromètre du Cevipof, paru en février dernier.
Ce paradoxe interroge : comment un système aussi coûteux peut-il être perçu comme étant inefficace ?
Le cœur du problème réside dans une solidarité devenue mécanique et descendante. À force de vouloir protéger, notre modèle a figé des millions de citoyens dans une dépendance passive. Il est temps de refonder le contrat social sur un principe simple mais puissant : la responsabilisation.
Des pays européens aux traditions différentes ont déjà pris ce virage. Au Danemark, les bénéficiaires d’allocations doivent activement chercher un emploi, suivre des formations et rendre compte de leurs démarches. Aux Pays-Bas, certaines aides sont liées à des activités bénévoles. Résultat : les allocataires se sentent à nouveau utiles, reprennent confiance et sortent plus vite du chômage. La solidarité y est exigeante, mais bienveillante. Elle soutient sans infantiliser.La société civile joue également un rôle moteur. Aux Pays-Bas, le modèle de « Buurtzorg » permet à de petites équipes d’infirmiers, en lien avec les familles et les associations locales, d’organiser des soins à domicile plus efficaces, moins coûteux et mieux perçus. Preuve qu’en responsabilisant les acteurs locaux, on renforce l’impact social tout en réduisant la dépense.
Redonner du sens à la solidarité
Enfin, la réussite de ces modèles repose sur une administration de proximité. Dans les pays précités, la majorité des politiques sociales sont décentralisées. Au Royaume-Uni, les réformes permettent aux agents publics de consacrer 80 % de leur temps au contact direct avec les citoyens, contre 20 % aux tâches administratives dans certains services sociaux. Un bouleversement salutaire, qui rétablit une relation de confiance entre administration et citoyens.
Il faut passer d’un « État guichet » à un « État partenaire »
La France peut s’inspirer de ces approches sans renier ses principes. Il ne s’agit pas de démanteler notre modèle, mais de passer d’un « État guichet » à un « État partenaire ». D’un système qui verse des aides à un système qui accompagne, valorise et libère les énergies. Cela suppose de faire confiance aux individus, aux associations, aux collectivités. Alors que 65 % des Français estiment que notre système social encourage l’assistanat, que deux Français sur trois s’inquiètent d’un recul des libertés et que les finances publiques sont exsangues, ce changement n’est plus une option : c’est une urgence. Redonner du sens à la solidarité, c’est la sortir de la logique du « tout État » pour la replacer entre les mains de ceux qu’elle concerne directement : les citoyens, les territoires, les acteurs de terrain.
La solidarité de demain ne sera ni moins généreuse, ni moins protectrice. Mais elle devra être plus exigeante, plus proche, plus juste. Non plus une assistance, mais une émancipation. C’est à ce prix que nous bâtirons un pacte social à la hauteur des défis du XXIe siècle.
Pierre-Jean Doriel, directeur général de L’Institut des Français de l’étranger (IFE)