Par une plume concernée.
Christian Tein est libre. Et il parle. Il parle de blessure, de pardon, de souveraineté, de “beau gâchis”. Il parle comme si les événements de mai 2024 étaient un accident de l’histoire, un dérapage incontrôlé, une crise dont il serait l’un des spectateurs impuissants.
Mais nous, Calédoniens, savons que ce qui s’est joué il y a un an n’a rien d’un accident. C’est le résultat d’un engrenage politique patiemment construit, idéologiquement structuré, organisationnellement préparé.
Une victimisation déjà bien rodée
Depuis sa libération, Christian Tein tente de réécrire le récit. Le déplacement en métropole ? “Forcé, difficile, douloureux.”
L’insurrection ? “Un malheureux enchaînement de circonstances.”
La CCAT ? “Une structure d’action politique, jamais violente.”
C’est un jeu dangereux. Parce qu’à force de jouer sur la corde de la compassion, on en oublie les faits.
Christian Tein était à la tête de la cellule de coordination des actions de terrain – la fameuse CCAT. Cette même structure qui a revendiqué des actions de blocage, d’occupation, de déstabilisation. Cette même structure qui, dans les jours qui ont précédé les émeutes, avait annoncé “des mobilisations illimitées”.
Et aujourd’hui, on nous demande de croire qu’il ne savait pas ? Qu’il n’a pas vu venir ? Qu’il a été “dépassé” ?
Une stratégie : l’esquive
“Je n’ai jamais voulu ça.”
“Je ne me suis engagé que dans le dossier politique.”
“C’est la jeunesse qui nous a échappé.”
C’est ainsi que le chef d’orchestre se transforme en simple auditeur. Mais que dit-on alors des 14 morts ? Des centaines de millions de dégâts ? Des dizaines de jeunes jugés, incarcérés, marqués à vie ? Et des dizaines de milliers de Calédoniens pris en otage dans leur propre pays ?
Personne ne peut croire que ces violences ont été spontanées. Personne ne peut ignorer la coordination, les mots d’ordre, les relais coutumiers et militants. Il ne s’agit pas ici de jeter l’opprobre sur un homme, mais de rétablir un principe fondamental : on ne construit pas l’avenir sur des mensonges.
La paix n’est pas un mot, c’est une volonté
Ce qui choque profondément dans cette prise de parole, ce n’est pas qu’elle existe. C’est qu’elle cherche à installer l’idée que le temps de la responsabilité est clos. Que l’essentiel, désormais, c’est “panser les blessures” et “ouvrir le dialogue”.
Mais comment panser les blessures quand on refuse de nommer ceux qui les ont infligées ?
Comment parler de réconciliation quand on ne demande pardon à personne ?
Christian Tein affirme vouloir contribuer aux discussions à venir. Très bien. Mais alors, qu’il commence par clarifier une chose : reconnaît-il, oui ou non, que la CCAT a perdu tout contrôle ? Reconnaît-il, oui ou non, que ses mots, ses silences, ses ambivalences ont conduit à l’embrasement ? Est-il prêt, oui ou non, à condamner les violences, sans ambiguïté, sans justifications, sans calcul ?
Parce qu’il y a un moment où l’histoire réclame autre chose que des effets de manche : elle exige du courage, de la clarté, et de l’honnêteté.
Nous ne voulons pas tourner la page.
Nous voulons qu’elle soit lue entière,
jusqu’à la dernière ligne.