La patronne d’Eramet sonne l’alerte.
Un marché mondial en panne sèche
Les prix des métaux sont à la dérive. Nickel, lithium, cuivre, manganèse : tous en bas de cycle, selon Christelle Bories, présidente du conseil d’administration d’Eramet. Le ralentissement chinois plombe la demande mondiale, notamment sur les infrastructures et l’immobilier. Résultat : une tension globale sur les cours, avec des prix souvent inférieurs à ceux observés au pic du Covid.
Mais Eramet résiste. Malgré la tempête, le groupe a généré 814 millions d’euros d’EBITDA en 2024, contre 140 millions si l’on avait gardé le modèle de 2018. La raison ? Une triple transformation du groupe : stratégique, managériale et sociétale. L’activité est désormais recentrée sur l’extraction minière, cœur du métier.
Toutes nos mines sont dans le premier quartile de la courbe de coûts
insiste C. Bories.
De l’Indonésie à la Calédonie : une diplomatie du minerai
En quelques années, Eramet a pris position sur les plus gros gisements mondiaux :
Nickel en Indonésie (l’un des plus grands gisements de la planète),
Lithium en Argentine (procédé d’extraction directe unique dans le monde occidental),
Manganèse au Gabon (doublé de taille, représentant 15 % de la production mondiale).
Et la Nouvelle-Calédonie dans tout ça ?
Si elle n’est pas citée dans le détail, le nickel calédonien reste au cœur des enjeux géopolitiques, notamment dans le cadre de la « diplomatie minérale » évoquée à plusieurs reprises. Car oui, les ressources sont rares. Et la France n’a quasiment plus de mineurs industriels sur son sol, à l’exception d’Eramet.
On est le dernier mineur en Europe continentale
souligne la dirigeante.
Le gouvernement français – actionnaire à 27 % d’Eramet – soutient la stratégie de sécurisation des approvisionnements, notamment face à la mainmise chinoise sur les batteries et métaux critiques.
100 % des batteries LFP dans le monde sont fabriquées en Chine
alerte C. Bories.
Mines responsables, enjeux colossaux, avenir incertain
À l’heure de la transition énergétique, les métaux critiques deviennent des leviers de puissance géopolitique. Mais l’exploitation ne va pas sans tension : acceptation sociale, respect écologique, coûts de production, et diplomatie sont les nouvelles armes de cette guerre silencieuse.
Le cas du Gabon l’illustre : le pays veut transformer sur place tout son manganèse d’ici 2029. Un projet jugé « irréaliste » par certains analystes, qui supposerait de doubler la capacité industrielle de transformation de l’Europe… au Gabon.
En parallèle, le marché des voitures électriques reste porteur, mais la production peine à suivre. L’usine de lithium d’Eramet en Argentine – à 4000 mètres d’altitude – fonctionne, mais les volumes peinent à répondre à la demande mondiale, tirée par la Chine.
Pour l’Alsace, des tests sont en cours pour extraire du lithium à partir de saumures géothermiques, avec un potentiel suffisant pour alimenter le marché français… à l’horizon 2029.
Enfin, Bories, évoque la nouvelle gouvernance : elle quitte son poste de PDG mais reste présidente du CA, confiant à Paolo Castellari la mission de libérer le plein potentiel des actifs du groupe, tout en préparant les gisements… des dix prochaines années.