Pompiers calédoniens : la flamme vacille après les émeutes de 2024. Entre insultes, vols, intrusions et traumatismes post-émeutes, les pompiers volontaires de Nouvelle-Calédonie tirent la sonnette d’alarme.
Derrière l’uniforme, des parents, des voisins, des victimes aussi
On les appelle en urgence, on leur demande l’impossible, mais on oublie parfois une évidence : les sapeurs-pompiers sont d’abord des êtres humains. Ils sont nos frères, nos sœurs, nos enfants, nos voisins. Des parents, des fils, des mères, qui répondent à l’appel du devoir même quand leur propre vie bascule.
En Nouvelle-Calédonie, 80 % des effectifs sont composés de pompiers volontaires, des citoyens engagés au quotidien, souvent en parallèle d’un autre emploi. Mais depuis les émeutes de 2024, tout a changé. Beaucoup ont été personnellement touchés : perte de travail, maisons incendiées, familles agressées ou expulsées. Une onde de choc à la fois psychologique et sociale qui continue de fissurer l’engagement de ces soldats du feu.
Certains n’ont plus de maison, d’autres ont vu leurs parents se faire sortir de chez eux. On est comme tout le monde, on a été impactés.
Perte de repères, vols, insultes : la caserne n’est plus un sanctuaire
Ce qui révolte aujourd’hui les pompiers, ce n’est pas seulement l’indifférence, c’est la violence directe dont ils sont désormais la cible. Insultes, agressions, jets de pierre, menaces, parfois même alors qu’ils tentent de secourir une victime. Le pire : les intrusions dans les casernes.
Des inconnus y pénètrent pour voler les véhicules personnels ou piller le matériel de secours. Parfois, ce sont des véhicules de service eux-mêmes qui disparaissent, utilisés à d’autres fins que le secours. Un phénomène qui mine la motivation des troupes.
On vient nous voler, chez nous. Même dans les casernes. C’est dur à vivre. On est là pour servir, pas pour subir.
Cette violence n’est pas seulement physique : elle est morale. Comment continuer à donner quand on se sent méprisé ? Comment rester motivé quand le lien de confiance avec une partie de la population semble rompu ?
Une vocation à l’épreuve du réel : garder la flamme allumée
De plus en plus, certains pompiers renoncent, en silence. Le cœur n’y est plus. Après les épreuves personnelles et la violence subie en service, il devient difficile de garder l’enthousiasme, cette “flamme” qui faisait tenir les volontaires jusque-là.
Aujourd’hui, ils n’ont pas perdu leur vocation. Mais ils ont perdu l’énergie, l’envie. C’est compliqué de garder la flamme allumée.
Et pourtant, ils continuent. Ils montent dans les camions quand l’alerte tombe, ils interviennent sur les accidents, les incendies, les crises cardiaques. Parfois dans les mêmes quartiers où on les a insultés la veille. Ce courage quotidien, cette résilience silencieuse, mérite d’être saluée. Car sans eux, le territoire s’effondre un peu plus.
Les sapeurs-pompiers calédoniens ne demandent pas la reconnaissance médiatique ni les médailles. Ils demandent le respect, la sécurité, et le droit d’exister comme humains avant d’être des héros. Les émeutes de 2024 ont laissé des cicatrices, visibles et invisibles. Mais ce qui blesse le plus aujourd’hui, c’est le sentiment d’être devenus des cibles, alors qu’ils sont censés être les garants de notre sécurité collective.
Si l’on veut que la flamme tienne, il est temps de protéger ceux qui nous protègent.