85 % des produits sont importés en Nouvelle-Calédonie, mais ce sont les 5 % régulés qui cristallisent les critiques. Un contresens économique.
Une dépendance massive aux importations, un aveuglement sur les responsabilités
Saviez-vous que 85 % des produits consommés en Nouvelle-Calédonie sont importés ? Le chiffre est aussi brutal qu’éloquent. Selon les données de l’ISEE, plus de 5 000 références sur les 6 357 du code douanier proviennent de l’extérieur du territoire. Face à ce raz-de-marée d’imports, seulement 950 produits sont locaux ou transformés localement — soit 15 % du total.
Pourtant, dans le débat public, la critique vise en priorité les 350 produits régulés — ceux soumis à des quotas, des taxes ou des interdictions (STOP). Ces 5 % encadrés sont régulièrement pointés du doigt comme responsables de la cherté de la vie. Une accusation absurde, à contre-courant de la réalité statistique. Car comment expliquer les prix élevés, quand 95 % du marché est totalement dérégulé ou dépendant des importations ?
Régulation : bouc émissaire d’un système déjà déséquilibré
Le système de régulation ne concerne qu’une poignée de produits sensibles : riz, viandes, fruits et légumes spécifiques, matériaux de construction. L’objectif ? Protéger la production locale et éviter les abus de position dominante. Sur ces quelques références, l’intervention publique vise à maintenir une forme d’équilibre économique, déjà fragile.
Pourtant, ces protections ciblées sont souvent caricaturées comme un frein au pouvoir d’achat. Ce discours, très présent dans certains milieux patronaux ou commerciaux, occulte le vrai problème : une ouverture quasi totale du marché calédonien aux produits venus d’ailleurs, avec des marges commerciales non encadrées et un manque de filières locales compétitives.
On détourne ainsi l’attention de l’enjeu central : la souveraineté alimentaire et économique du territoire. Les produits régulés sont les seuls à bénéficier d’un filet de sécurité. En faire les coupables de l’inflation, c’est comme reprocher à un barrage de ne pas suffire à arrêter un tsunami.
Repenser la production locale plutôt que supprimer les garde-fous
Le vrai débat ne devrait-il pas être ailleurs ? Pourquoi, en 2025, la production locale plafonne à seulement 15 % ? Où sont les investissements dans l’agrotransformation, les circuits courts, la filière pêche, l’industrie artisanale ? Tant qu’on n’aura pas renforcé l’offre locale, la dépendance perdurera, et avec elle, la vulnérabilité aux hausses mondiales de prix.
Supprimer ou affaiblir la régulation reviendrait à priver encore plus les producteurs locaux d’outils de défense. Cela aggraverait la situation au lieu de la corriger. Il est temps de reconnaître que les 5 % de produits régulés ne sont pas le problème, mais une partie de la solution.
Ce débat mérite mieux que des slogans simplistes. Il exige une prise de conscience collective, des politiques ambitieuses et un changement de regard sur ce que signifie vraiment « produire chez nous ».
La régulation ne tue pas le pouvoir d’achat. Elle tente de le préserver dans un océan d’importations. Ce ne sont pas les 5 % protégés qui font grimper les prix, mais les 85 % venus d’ailleurs, soumis aux aléas logistiques, géopolitiques, et commerciaux. Si l’on veut faire baisser les prix durablement, c’est notre capacité à produire et transformer localement qu’il faut d’urgence renforcer.