Des bouteilles de gaz explosent dans la nuit, des entrepôts partent en fumée, des PME sont calcinées. En Nouvelle-Calédonie, le feu n’a pas épargné l’économie.
Des centaines d’entreprises détruites ou dégradées, un PIB en chute libre, des milliers d’emplois rayés : la relance paraît plus lointaine que jamais.
Les flammes consument, les chiffres s’effondrent
Dans la nuit de samedi à dimanche, à Pouembout, un incendie d’une rare intensité a ravagé la surface de vente de l’entreprise PlastiNord. Arrivés à 1 h 30 du matin, les sapeurs-pompiers de Koné et la sécurité civile ont affronté 500 m² de brasier. Les flammes ont fait exploser des bouteilles de gaz, dévasté la zone de vente et menacé un entrepôt de 2 000 m² rempli de tuyaux en polyéthylène.
Grâce à une intervention rapide, le feu n’a pas touché l’atelier de fabrication — une victoire temporaire face à un contexte où les sinistres s’accumulent. Une semaine plus tôt, c’est le dépotoir de Koné qui s’était embrasé. Les pompiers ont mis plusieurs jours à maîtriser l’incendie, d’origine criminelle.
La brousse n’est pas épargnée. Les attaques à la voiture-bélier se multiplient contre les commerces. Les habitants du Nord sont à bout :
La gendarmerie ? Présente en journée, absente la nuit ! , témoigne un résident excédé.
Un tissu économique calciné par les émeutes
Les conséquences des émeutes de mai 2024 sont aujourd’hui chiffrées avec plus de précision. Selon les Comptes économiques rapides pour l’Outre-mer (Cerom), la Nouvelle-Calédonie aurait perdu entre 10 et 15 % de son PIB entre 2023 et 2024 — soit un retour brutal au niveau des années 2013 à 2017.
La facture globale : 300 milliards de francs CFP, soit près de 2,5 milliards d’euros. Ces pertes englobent les destructions matérielles, la chute des recettes fiscales et le coût du chômage partiel.
800 entreprises impactées, 500 établissements détruits, selon l’Isee et la Chambre de commerce et d’industrie. Des zones industrielles entières sont à l’arrêt : concessions, stations-service, entrepôts, supermarchés… Tout, ou presque, a brûlé à Nouméa et dans son agglomération.
Dans une enquête menée par l’IEOM, 40 % des sociétés déclarent un impact direct :
14 % détruites,
28 % fortement dégradées,
20 % victimes de vols.
Et l’impact indirect est généralisé : 77 % évoquent des difficultés de déplacement, 80 % un absentéisme accru, 75 % une baisse massive de la demande.
13 700 emplois perdus, l’investissement en berne
Le bilan social est dramatique. Entre septembre 2023 et fin 2024, 13 700 postes dans le privé ont disparu, selon l’Isee. Le nombre de salariés est tombé sous les 60 000, une première depuis 2010. Le secteur public a aussi été touché, bien que dans une moindre mesure.
11 600 salariés ont perdu leur emploi entre mars et décembre 2024, dont plus de 6 100 percevaient le chômage total en décembre. En parallèle, 1 470 travailleurs indépendants ont cessé leur activité. Près de 1 000 entreprises ont eu recours au chômage partiel spécifique émeutes.
L’impact est profond, structurel, et pourrait durablement décourager les investisseurs. Après la fermeture de l’usine du Nord, l’exode sanitaire, la multiplication des actes de vandalisme, une nouvelle menace plane : celle d’un exode économique.
Un chef d’entreprise de VKP résume ainsi la situation :
On a survécu au Covid, aux tensions politiques, aux blocages. Mais là, on perd tout. Qui va encore miser sur la Calédonie ?
Loin des projecteurs médiatiques, la Nouvelle-Calédonie vit une crise profonde, faite de feux, de ruines et de désert économique. Entre un État impuissant, des forces de l’ordre débordées et une population excédée, le territoire s’enfonce dans l’incertitude.
Et si la relance ne vient pas vite, c’est toute la cohésion sociale qui pourrait s’embraser à son tour.