Jamais une pétition n’avait connu un tel raz-de-marée citoyen sous la Ve République. En à peine dix jours, plus de 1,4 million de signatures ont été réunies contre la très controversée loi Duplomb, accusée de faire reculer le droit de l’environnement au profit d’intérêts agricoles. Une jeune étudiante en est à l’origine. L’Assemblée nationale, bousculée, pourrait être contrainte d’ouvrir un débat parlementaire à la rentrée. Mais cette vague démocratique peut-elle réellement inverser la vapeur ?
Une pétition historique face à une loi contestée
Le 10 juillet 2025, une étudiante dépose sur le site de l’Assemblée nationale une pétition dénonçant la loi Duplomb et réclamant son abrogation ainsi qu’une révision des conditions dans lesquelles elle a été votée. En quelques jours, 1,4 million de citoyens l’ont signée, bien au-delà du seuil des 500 000 signatures requis pour envisager un débat parlementaire.
La présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, s’est rapidement dite favorable à l’ouverture d’un débat, évoquant un « signe fort d’attachement à la démocratie participative ». Mais tout repose désormais sur la Conférence des présidents et la commission des affaires économiques, attendues au tournant le 16 septembre.
Cependant, le débat, s’il a lieu, ne pourra pas annuler la loi, définitivement votée le 8 juillet. Seul un nouveau texte pourrait en réalité revenir sur les mesures actées. Une limite institutionnelle qui interroge sur la portée réelle de cette forme de participation citoyenne.
La loi Duplomb : pesticides, mégabassines et tensions environnementales
Déposée par le sénateur Laurent Duplomb et soutenue par la droite sénatoriale, cette loi entend « lever les freins à l’activité agricole ». En pratique, elle rouvre la porte à des produits phytopharmaceutiques bannis en France, notamment l’acétamipride, un néonicotinoïde autorisé par l’Europe mais interdit dans l’Hexagone depuis 2020.
Le texte prévoit aussi d’assouplir les procédures pour construire des bâtiments d’élevage ou des retenues d’eau agricoles, comme les mégabassines, en les qualifiant d’intérêt général majeur. Une disposition explosive dans un contexte de sécheresses récurrentes et de conflits d’usage de l’eau.
Un comité des solutions est annoncé, ainsi qu’un accompagnement financier des agriculteurs privés d’alternatives. Mais les ONG environnementales dénoncent un « retour en arrière dramatique », alors même que le Conseil constitutionnel est saisi sur les principes de précaution, de non-régression et de sincérité du débat.
Un Conseil constitutionnel en arbitre, la rue en alerte
D’ici le 10 août 2025, le Conseil constitutionnel devra trancher : la loi Duplomb est-elle conforme à la Constitution ? Plusieurs élus, dont des parlementaires de gauche et des centristes, dénoncent un passage en force du gouvernement et pointent un débat parlementaire tronqué, faute de temps et de concertation.
Des principes essentiels sont invoqués : le droit de vivre dans un environnement sain, la clarté des débats, la prévention des risques. En parallèle, les collectifs écologistes appellent à la mobilisation dans la rue dès la rentrée. Pour eux, cette loi incarne un basculement dangereux vers une dérégulation agricole sous pression des lobbys.
Quant aux agriculteurs eux-mêmes, les positions divergent. Certains y voient une bouffée d’oxygène après des années de restrictions ; d’autres redoutent une stigmatisation accrue face à une opinion publique de plus en plus mobilisée.
Jamais une pétition n’aura réuni autant de signatures en si peu de temps. Jamais une loi aussi contestée n’aura été adoptée aussi rapidement. Ce face-à-face entre une décision parlementaire et une révolte citoyenne soulève une question fondamentale : notre démocratie représentative est-elle encore en phase avec les exigences démocratiques du XXIe siècle ?
Le 16 septembre, tous les regards seront tournés vers l’Assemblée nationale. Non pas pour voter une loi, mais pour entendre — peut-être — la voix de plus d’un million de Français.