Un vote historique pour une économie plus juste
C’est une révolution silencieuse qui a eu lieu au Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Le 25 juillet 2025, deux textes de loi portés par Les Loyalistes et l’UC-FLNKS ont été adoptés à l’unanimité. Leur ambition : refonder l’économie calédonienne autour des valeurs de solidarité, de résilience et de proximité.
Un cap économique commun entre indépendantistes et loyalistes
C’est assez rare pour être souligné : l’ensemble des élus calédoniens a voté “oui”. D’un côté, le texte défendu par Naïa WATEOU (Les Loyalistes), de l’autre, celui porté par Omayra NAISSELINE (UC-FLNKS). Deux propositions de loi du pays distinctes, mais complémentaires, qui installent durablement l’économie sociale et solidaire dans le paysage institutionnel du territoire.
Le projet Loyaliste vise à inscrire dans le droit calédonien une définition claire de l’économie sociale et solidaire (ESS). Il donne aux provinces le pouvoir de délivrer des agréments ESS, de structurer leur stratégie économique autour de ces structures et de reconnaître leur rôle d’utilité sociale.
Trois critères sont requis pour bénéficier de cet agrément :
un but autre que le profit,
une gouvernance démocratique,
une gestion désintéressée.
Ce texte établit également des bases solides pour la reconnaissance juridique des associations, coopératives et fondations à but social, ainsi que des entreprises commerciales à vocation solidaire.
L’économie « résiliente » : un ancrage culturel et territorial
Le texte UC-FLNKS, lui, va encore plus loin. Il consacre non seulement l’ESS, mais aussi l’économie sociale, solidaire et résiliente (ESSR). Une approche plus large, qui prend en compte la capacité des territoires et des populations à résister aux crises économiques, sociales et climatiques.
Et surtout, il intègre une dimension culturelle et coutumière forte : l’ESSR est définie comme l’héritière des pratiques traditionnelles des sociétés mélanésiennes et océaniennes : entraide, troc, dons, solidarité.
Parmi les innovations du texte UC-FLNKS :
la création d’un Haut Conseil de l’ESSR,
l’intégration du mécénat pour les structures à utilité sociale,
des exonérations fiscales pour les coopératives,
la possibilité pour les marchés publics de réserver des lots aux acteurs ESSR,
l’introduction d’un nouveau type d’entreprise : la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC).
Un socle juridique inédit pour une souveraineté économique locale
Dans les deux cas, l’objectif est clair : faire de l’économie sociale un levier de transformation durable, dans un territoire encore trop dépendant du nickel et des importations. Le vote unanime du Congrès du 25 juillet 2025 confirme cette prise de conscience politique transversale.
L’économie sociale et solidaire représente aujourd’hui seulement 1,7 % du PIB calédonien, mais elle est appelée à se développer rapidement. Notamment parce qu’elle offre des réponses concrètes aux enjeux d’emploi, de relance, d’inclusion et de transition écologique.
Désormais reconnues légalement, l’ESS et l’ESSR pourront :
accéder à des financements européens,
bénéficier d’un suivi statistique spécifique,
être intégrées dans les politiques publiques territoriales.
Cette réforme s’inscrit aussi dans un contexte international favorable : l’ONU, l’OCDE et l’OIT ont tous reconnu, entre 2022 et 2023, le rôle stratégique de l’ESS dans le développement durable.
Dans un pays souvent divisé, le vote unanime du 25 juillet 2025 fait figure de signal fort. Ce jour-là, les élus calédoniens ont posé les fondations d’un modèle économique alternatif, capable de replacer l’humain, le territoire et l’environnement au cœur de la croissance.
Ce n’est plus seulement un concept. C’est désormais une loi du pays. Reste à la faire vivre sur le terrain, dans les communes, les tribus, les quartiers et les entreprises. Si la dynamique est suivie d’actes, l’économie sociale, solidaire et résiliente pourrait bien incarner l’avenir du pays.