Par une plume concernée
En 2023, l’Union calédonienne pensait se renforcer en créant la CCAT (Cellule de Coordination des Actions de Terrain), un collectif présenté comme la voix de la base après l’échec du troisième référendum. L’objectif affiché : mobiliser, occuper la rue et peser face à l’État. Deux ans plus tard, cette stratégie se retourne contre elle. L’UC est désormais otage d’une machine radicale qu’elle a elle-même mise en marche. Ce qui devait être un outil de mobilisation s’est transformé en une force autonome, dont les décisions échappent désormais aux élus.
UNE ARME DEVENUE INCONTRÔLABLE
Pensée comme un levier de pression politique, la CCAT est devenue le cœur battant de la contestation violente. Sous l’impulsion de Christian Tein, elle a orchestré les blocages et les émeutes du 13 mai 2024, qui ont marqué un tournant dans l’histoire politique récente de la Nouvelle-Calédonie. Sa ligne ? Le rapport de force, jamais le compromis. L’UC, qui croyait la contrôler, doit aujourd’hui composer avec une base chauffée à blanc, prête à traiter de traîtres ses propres dirigeants. Cette situation illustre la perte de contrôle d’un parti qui a trop longtemps flirté avec la radicalité pour servir ses propres intérêts tactiques.
L’UPM ET LE PALIKA ONT PRIS LE LARGE
Face à cette dérive, d’autres composantes indépendantistes ont choisi de rompre avec cette logique. L’UPM assume désormais que l’indépendance passe par un compromis avec la France et non par la confrontation permanente. Le Palika, affaibli, a lui aussi pris ses distances pour ne plus être l’otage d’un mouvement où les plus radicaux dictent la stratégie. Ces départs montrent que le FLNKS, autrefois bloc uni, se fracture de plus en plus. Les tensions internes sont désormais visibles : il y a ceux qui veulent construire un projet politique crédible et ceux qui préfèrent s’accrocher à la rue, à la menace et au refus de toute avancée institutionnelle.
Pendant ce temps, l’UC reste engluée dans son propre piège. À Bougival, Emmanuel Tjibaou signe. À Voh, il recule : rejet en bloc du projet d’accord, menaces de sanctions contre les signataires et incapacité à trancher. Les menaces de sanctions internes contre les signataires illustrent l’impasse totale dans laquelle le parti se trouve. Au lieu d’assumer une stratégie claire, il se laisse dicter sa conduite par les plus durs, incapables de reconnaître que l’indépendance immédiate n’est plus un horizon réaliste.
LA STRATÉGIE DU “TOUJOURS PLUS” A ATTEINT SES LIMITES
En voulant flatter la rue, l’UC a perdu la main. Elle est désormais sommée de suivre la ligne dure, sous peine d’être désavouée par les militants qu’elle a elle-même radicalisés. Les élus ne décident plus : ce sont les extrémistes de terrain qui fixent le cap. Chaque tentative de compromis est immédiatement dénoncée comme une trahison, rendant impossible tout travail politique sérieux. Ce qui devait être un outil de négociation est devenu un frein à toute solution durable.
L’UC voulait une base en colère ? Elle l’a. Mais à force de pactiser avec la radicalité, elle a créé une bête politique incontrôlable. Aujourd’hui, c’est la CCAT qui tient l’UC en laisse, et non l’inverse. Un retournement dont le parti risque de payer le prix fort : l’arroseur est devenu l’arrosé. Cette situation pose une question essentielle : comment construire l’avenir institutionnel du territoire si le principal parti indépendantiste est prisonnier de ses propres extrêmes ?