Sous-effectifs chroniques, exode des compétences, tensions sociales : la santé publique calédonienne vacille. Le gouvernement passe à l’action.
Deux mesures-chocs pour sauver le secteur
Face à l’hémorragie des professionnels de santé, aggravée par les violences de mai 2024, les autorités ont tranché. En accord avec les syndicats, deux dispositifs inédits viennent d’être adoptés : une bonification d’ancienneté et une prime de stabilisation. Objectif : retenir les soignants, attirer les compétences et éviter la rupture de soins dans les structures hospitalières.
La bonification d’ancienneté vise à corriger une inégalité de traitement née des réformes successives. Elle concerne les agents recrutés avant 2017, qui n’ont pas pu bénéficier des avantages offerts par les nouvelles règles de Valorisation de l’Expérience Professionnelle (VEP). Concrètement, ces agents pourront obtenir un avancement d’échelon, sous réserve de remplir trois conditions : faire la demande dans les six mois, appartenir à un corps identifié comme en tension, et exercer effectivement leurs fonctions dans ce corps.
La prime de stabilisation, elle, joue sur l’incitation financière directe. Inspirée de celle accordée aux sages-femmes, elle consiste à octroyer 50 points d’indice pour les agents de catégorie A, et 25 points pour ceux de catégorie B. Elle s’adresse exclusivement aux fonctionnaires en poste, sur simple demande, et pourrait devenir un levier puissant de fidélisation.
Des critères ciblés pour les personnels en tension
Ces nouvelles aides ne s’adressent pas à tous. Seuls les corps considérés comme pénuriques sont éligibles. Un groupe de travail associant les syndicats et les employeurs publics a identifié les filières les plus critiques, dont le taux de couverture des postes est dramatiquement bas.
Sont concernés :
Médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes du cadre de la santé ;
Cadres de santé, infirmiers anesthésistes (IADE), infirmiers de bloc (IBODE), puéricultrices, manipulateurs radio, kinésithérapeutes, orthophonistes, psychomotriciens, techniciens de labo ;
Et sages-femmes, mais uniquement pour la prime de stabilisation.
Pour les agents promus cadre de santé, une précision majeure s’impose : ils devront justifier de deux ans d’expérience antérieure dans leur ancien corps (par exemple en tant qu’infirmier IADE ou IBODE), pour bénéficier de la bonification. Le message est clair : la fidélité et la compétence doivent être reconnues dans leur continuité.
Une réponse d’urgence pour éviter l’effondrement
En lançant ces mesures d’attractivité ciblées, le gouvernement espère endiguer l’effondrement du service public hospitalier. Car au-delà des chiffres et des grilles indiciaires, la situation est critique sur le terrain : arrêts maladie prolongés, postes vacants pendant des mois, recours massif à des intérimaires venus de métropole… Les CMS tournent au ralenti, les urgences saturent, et les équipes soignantes craquent psychologiquement.
En bonifiant les carrières et majorant les salaires, l’exécutif tente un pari : reconstruire la confiance entre l’institution et ses personnels. Un acte fort, mais encore réservé aux titulaires. Les contractuels de droit public, pourtant nombreux à faire tourner les services, sont exclus des dispositifs. Un choix stratégique, mais potentiellement explosif socialement.
Reste à savoir si cette double réponse technique et symbolique suffira à faire revenir les soignants, stabiliser les équipes et relancer les vocations. Car dans le contexte post-émeutes, il ne s’agit plus de réformer : il faut sauver ce qui peut encore l’être.