Une défaite qui a bouleversé l’Europe. Un empereur français capturé au cœur des Ardennes : Sedan, 1870, signe la fin du Second Empire.
La guerre mal préparée de Napoléon III
Juillet 1870. La France s’engage dans une guerre qu’elle n’a ni préparée ni comprise. Poussée par l’humiliation d’une dépêche manipulée par Otto von Bismarck, elle se laisse entraîner dans un conflit où elle se trouve rapidement isolée.
Le 19 juillet, Napoléon III déclare la guerre à la Prusse. Cette décision est prise sans soutien international et avec une armée sous-équipée. La France ne peut mobiliser que 265 000 soldats pour défendre un front de près de 250 kilomètres.
En face, la Prusse et ses alliés alignent plus de 600 000 hommes, parfaitement organisés et approvisionnés grâce à un réseau ferroviaire moderne. La disproportion est flagrante.
Dès les premières semaines, les défaites s’enchaînent. Le 4 août, à Wissembourg, une première armée française est écrasée. Deux jours plus tard, à Froeschwiller-Woerth, les soldats de Mac-Mahon se battent avec courage mais doivent abandonner l’Alsace.
Le maréchal Bazaine, nommé commandant en chef, tente de regrouper ses forces mais s’enferme à Metz au lieu de briser l’encerclement. Cette passivité scelle le sort de l’armée du Rhin.
La France est déjà acculée, et l’opinion publique, trompée par des communiqués triomphants, ne mesure pas encore l’ampleur du désastre.
Sedan, le piège mortel
Fin août, l’armée française est au bord de la rupture. Il ne reste plus que 130 000 hommes au camp de Châlons. C’est le maréchal Mac-Mahon qui en prend la tête, accompagné de l’empereur. Mais Napoléon III, malade et affaibli par de terribles douleurs, ne peut exercer son commandement.
Le 30 août, les troupes françaises sont battues à Beaumont. En repli, elles se réfugient dans la place forte de Sedan, sans savoir qu’elles s’enferment dans un piège.
Le 1er septembre au matin, la bataille décisive s’engage. Les Français affrontent plus de 200 000 Allemands et subissent un bombardement d’une violence inédite. Plus de 700 canons prussiens écrasent les défenses.
Mac-Mahon, blessé, transmet le commandement au général Ducrot, qui cède aussitôt la place au général Wimpffen. Le désordre est total.
Les soldats français multiplient les charges héroïques, notamment la cavalerie qui tente de percer les lignes ennemies. Mais face à l’artillerie allemande, ces sacrifices tournent au massacre.
Dans la citadelle, Napoléon III observe la scène, impuissant et accablé. Il comprend que la situation est désespérée.
Dans l’après-midi, il fait hisser le drapeau blanc sur Sedan. La canonnade cesse enfin. La décision est lourde : 83 000 soldats français, dont l’empereur, deviennent prisonniers. Le 2 septembre, Napoléon III rencontre Bismarck dans une modeste maison de Donchery. Puis il adresse une lettre au roi de Prusse :
N’ayant pu mourir au milieu de mes troupes, il ne me reste qu’à remettre mon épée entre vos mains.
La réponse de Guillaume Ier est courtoise mais implacable : l’armée entière doit capituler. Sedan devient le symbole de l’échec militaire et politique d’un Empire qui a surestimé ses forces.
De Sedan à la République
La nouvelle de la capitulation se répand comme une traînée de poudre. À Paris, Lyon, Marseille, la colère est immense. Un empereur français s’est rendu, une première depuis des siècles. À Paris, l’impératrice Eugénie, régente, refuse d’abord d’y croire.
Un Napoléon ne se rend pas ! hurle-t-elle. Mais la réalité est implacable.
Le 4 septembre 1870, sous la pression de la rue et des députés républicains, la République est proclamée à l’Hôtel de Ville de Paris. Le Second Empire s’effondre.
Napoléon III, désormais prisonnier, quitte Sedan escorté par les uhlans prussiens. Malade, fiévreux, humilié, il traverse les colonnes de prisonniers français en pleurs. Certains l’insultent, d’autres l’accusent de trahison.
Exilé en Allemagne, puis en Angleterre, il ne remettra jamais les pieds sur le sol français. L’homme qui avait voulu incarner la gloire impériale quitte la scène politique dans le déshonneur et la souffrance.
Pour la France, Sedan n’est pas seulement une défaite militaire. C’est un tournant majeur de son histoire. La perte de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine, l’occupation ennemie, le siège de Paris annoncent une épreuve nationale.
Mais cette humiliation provoque aussi un sursaut. La Troisième République, proclamée dans l’urgence, choisit de poursuivre la lutte. Paris est assiégé. Le peuple subit la faim et les bombardements.
En janvier 1871, l’armistice est signé. La France sort exsangue, amputée de ses territoires de l’Est et durablement marquée par la défaite. Sedan, 2 septembre 1870, reste le symbole d’un régime qui a précipité son peuple dans une guerre sans préparation. C’est aussi le point de départ d’une revanche qui animera la France pendant près d’un demi-siècle, jusqu’en 1918.