Convaincu que son « électrochoc » pouvait rallumer la flamme, François Bayrou s’est jeté dans un vote de confiance suicidaire. Persuadé que le RN n’oserait pas censurer, le Premier ministre a fini comme Barnier avant lui : broyé par le pouce baissé des lepénistes.

Comment François Bayrou a-t-il convaincu le président de la République de risquer un vote de confiance, avant même d’avoir entamé les discussions avec les partis d’opposition ? Car sans l’aval de Macron, pas de session extraordinaire, pas d’effet « blast » le 8 septembre. Certes, le chef de l’État est réputé pour apprécier le vin à table, midi et soir. Mais il est resté sobre lors du dîner du jeudi 21 août à Brégançon, alors que François Bayrou lui déroulait sa stratégie. En réalité, en proposant ce vote de confiance, le Premier ministre ne table pas sur une sortie avec panache. Il est convaincu « que ça va passer ».
Avec force arguments, Bayrou explique que le Rassemblement national ne votera pas la censure. Il n’a pas été véhément en réactions aux annonces de la mi-juillet. Marine Le Pen inéligible, le RN n’a pas du tout l’esprit à la dissolution, au contraire, il temporise, bousculé par l’agenda judiciaire dont le sort politique de sa candidate dépend. François Bayrou assure au président « qu’il a tout préparé, réfléchi ». C’est un trou de souris, mais avec agilité, le « PM » pense s’y faufiler, jouant sur l’effet de surprise et l’atonie supposée du RN. « Ce que Bayrou a négligé, c’est que la politique, c’est de l’opportunisme, » glisse une de ses ministres, consternée par la stratégie du Premier ministre. Encore groggy, cette grande élue n’en revient pas de la démonstration exposée trente minutes avant l’annonce kamikaze : « J’ai voulu créer un électrochoc dans l’opinion mi-juillet… ça n’a pas marché, détaille Bayrou. Alors je vais proposer un deuxième électrochoc en demandant un vote de confiance le 8 septembre. »
Les ministres sont scotchés, saisis par l’argumentation sommaire du stratège de Matignon. Bruno Retailleau apprend l’info par les messages de ses conseillers présents, alors qu’il rejoint en voiture le ministère de la Santé. Les LR comprennent dans l’instant à quel point leur situation devient compliquée, percutée par le choix irrationnel d’un forcené. « Bayrou n’a pas compris qu’avec ses électrochocs, c’est lui qui va finir électrocuté », peste un ministre.
Ironie de l’Histoire, Bayrou chute, lui aussi, sous le pouce baissé du RN, comme un certain Michel Barnier avant lui. L’élu des cimes alpines se faisait fort « d’acheter » la non-censure du RN, cédant jusque dans les dernières heures sur à peu près toutes les revendications du parti lepéniste. L’hypnotiseur palois croyait pour sa part l’avoir endormi, grâce aux charmes apaisants de la proportionnelle, et de l’indignation partagée contre l’exécution provisoire. Le trou de souris s’est vite rebouché, le matois Bayrou s’est pris le mur. Dans les minutes qui suivent son annonce, Jordan Bardella annonce que le RN ne votera pas la confiance, Marine Le Pen promet que ses élus voteront contre. À l’image de Barnier, Bayrou s’obstine, veut croire qu’en cédant sur l’Aide médicale d’État, en promettant moins de fiscalité, plus d’économies, il y a encore une voie de passage. « Trop tard ! » répond le RN.
Un tiers du groupe LR devrait simplement s’abstenir, les autres voteront la confiance
En Conseil des ministres, ce mercredi 3 septembre, le président n’avait pas du tout l’air affecté de la manœuvre malheureuse de son Premier ministre. Lequel n’a pas moufté. « Il parle de toute façon assez peu lors de ces réunions », banalise un ministre. Le président a simplement rappelé aux acteurs du socle commun la nécessité de rester « soudé », en appuyant le message à l’endroit des Républicains, dont certains députés sont tentés de voter « contre » Bayrou. Au final, selon les informations du JDD, un tiers du groupe LR devrait simplement s’abstenir, les autres voteront la confiance, dont Laurent Wauquiez. Un vote de pure formalité pour les membres du gouvernement. « La page Bayrou est tournée », confirme un ministre, « pour lui, c’est fini ».
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