Depuis trente-six ans, Paul Néaoutyine règne sur Poindimié. Depuis vingt-six ans, il tient les rênes de la province Nord. Mais cette fois, la justice financière a tranché : la Cour des comptes a condamné le maire de Poindimié pour manquement grave à la loi.
Une faute répétée dans l’exécution des jugements
La décision rendue le 2 septembre 2025 par la Cour des comptes est claire : le maire de Poindimié a failli à l’une de ses missions les plus élémentaires, celle d’exécuter les décisions de justice. Depuis 2018, un accident de chantier a entraîné une série de condamnations financières à l’encontre de la commune : près de 9 millions de francs CFP pour la victime, plus de 18 millions pour la CAFAT, sans oublier les amendes et les frais de justice. Or, ces sommes ont été mandatées avec des retards considérables, allant de 27 à 45 mois après la notification des jugements.
L’article 1er de la loi du 16 juillet 1980 impose pourtant un délai strict de deux mois pour mandater les sommes dues. Ici, non seulement ce délai a été bafoué, mais la victime n’a été totalement indemnisée qu’en 2025, soit six ans et demi après l’accident. La Cour a pointé du doigt des atermoiements inacceptables pour une collectivité publique censée donner l’exemple.
Un élu chevronné, mais récidiviste
L’arrêt souligne que l’intéressé n’est pas un novice : maire depuis 1989 et président de la province Nord depuis 1999, il connaît les rouages de l’administration et la portée de ses responsabilités. Plus grave encore : il avait déjà été épinglé en 2021 par la Cour de discipline budgétaire et financière pour des faits similaires, dans ses fonctions provinciales. Si la procédure avait alors été classée en raison d’une exécution partielle, l’avertissement n’a manifestement pas suffi.
Pour la haute juridiction, ces manquements répétés révèlent une légèreté coupable dans la gestion des fonds publics. Derrière les arguties financières, c’est bien la crédibilité de l’État de droit en Nouvelle-Calédonie qui se joue : un élu local ne saurait se placer au-dessus des lois.
Des excuses balayées, une sanction symbolique
La défense a tenté de plaider les difficultés de trésorerie chroniques de la commune, incapables selon elle d’honorer rapidement ses dettes. Mais la Cour a rappelé une évidence : l’absence de liquidités n’exonère pas de l’obligation légale de mandatement. Même en cas de caisse vide, l’élu doit inscrire les sommes dues, quitte à différer leur paiement. Ici, les retards ont été aggravés par la désorganisation des services municipaux et par l’absence d’instructions de priorité données au comptable public.
Depuis l’ordonnance du 23 mars 2022, les gestionnaires publics sont désormais jugés par une seule et unique juridiction spécialisée : la chambre du contentieux de la Cour des comptes. Cette réforme a clarifié le paysage juridictionnel, mettant fin à la dualité entre plusieurs instances disciplinaires. L’arrêt rendu contre lPaul Néaoutyine s’inscrit donc dans ce nouveau cadre. Et pour garantir les droits de la défense, il est possible de faire appel devant la Cour d’appel financière, également instituée par l’ordonnance de 2022. Enfin, un pourvoi en cassation peut être formé devant le Conseil d’État.
Au final, la sanction retenue reste modeste : 4 000 € (480 000 F CFP) d’amende, assortie d’une publication au Journal officiel de la République française. Mais son impact politique est bien plus lourd : l’image d’un maire tout-puissant, indéboulonnable depuis des décennies, est entachée par la confirmation officielle de ses manquements à la loi.