Elle a commencé par faire signer des pétitions pour libérer les dauphins. Vingt-cinq ans plus tard, Aline Schaffar est devenue une figure engagée de la protection des océans. Biologiste marine, chef de projet au sein du programme Pew Bertarelli Ocean Legacy et cofondatrice de See You Later, elle incarne cette génération de scientifiques qui refusent de voir la mer calédonienne réduite au silence. Entre plaidoyer, sensibilisation et projets innovants, elle met en garde :
il est temps d’agir, car le littoral change déjà sous nos yeux
Le déclic d’une militante des océans
Pour Aline Schaffar, le chemin vers l’activisme a commencé très tôt.
Je me revois étudiante à Strasbourg, à faire signer des pétitions pour libérer les dauphins des delphinariums
confie-t-elle. Ce souvenir adolescent est devenu un fil conducteur, la menant d’abord à la recherche, puis au plaidoyer. Aujourd’hui, elle ne cache pas que la protection du milieu marin est devenue son « chemin de vie ».
Cet engagement s’inscrit dans une époque où la défense des océans n’est plus réservée aux ONG internationales. La biologiste estime que les jeunes générations ont déjà intégré la nécessité de protéger la biodiversité, mais qu’il reste encore à transformer cette conscience en actions concrètes.
Plaider pour la mer de Corail
En Nouvelle-Calédonie, Aline Schaffar pilote le programme Pew Bertarelli Ocean Legacy.
Nous sommes une toute petite équipe, mais nous travaillons aux côtés des décideurs pour améliorer la protection de nos océans
explique-t-elle. Son terrain de bataille : le parc naturel de la mer de Corail, immense aire marine située hors du lagon, qui reste encore mal connue du grand public.
Le travail est autant politique que pédagogique.
Nous apportons notre expertise scientifique au comité consultatif du parc, tout en sensibilisant la population
précise-t-elle. Films documentaires, débats publics, interventions auprès des écoles : les outils se multiplient pour rendre ce parc visible et légitime.
Quand il a été créé il y a 11 ans, personne n’en avait entendu parler. Aujourd’hui, la majorité des Calédoniens savent ce qu’il représente
constate-t-elle.
Des projets pour impliquer le public
Au-delà du plaidoyer, la chercheuse s’emploie à créer des formats concrets pour rapprocher la science des citoyens. Avec les Doc’Océans, organisés au CinéCity, elle a choisi de projeter des films suivis de débats avec des experts.
Montrer, expliquer, puis dialoguer : c’est essentiel pour que la société s’approprie ces enjeux
insiste-t-elle.
Autre initiative : les Master Océans, des « masterclass » destinées aux acteurs de la mer de Corail. L’objectif ? Partager les résultats de quatre grandes études scientifiques menées l’an dernier et fournir des outils d’aide à la décision pour la gestion future du parc.
C’est une manière d’ancrer la science dans la gouvernance locale
ajoute-t-elle.
See You Later : anticiper la montée des eaux
En 2023, lors de l’Océan Hackathon, Aline Schaffar a cofondé le projet See You Later.
L’idée était de modéliser la montée des eaux sur l’îlot Amédée d’ici à 2100, à partir des scénarios du GIEC
raconte-t-elle. Les résultats ont surpris : le phare emblématique ne sera pas englouti, mais l’îlot subira des submersions marines répétées.
Derrière l’exercice scientifique, un objectif clair : rendre tangible l’impact du changement climatique.
Beaucoup s’attendaient à voir l’îlot disparaître, mais ce n’est pas la réalité. Ce qui est certain, en revanche, c’est que les activités touristiques et les colonies d’oiseaux seront profondément affectées
avertit-elle.
À l’heure où la Nouvelle-Calédonie s’interroge sur son avenir institutionnel et économique, des voix comme celle d’Aline Schaffar rappellent que le défi est aussi écologique. La mer de Corail, l’îlot Amédée, le lagon : autant de joyaux menacés qui nécessitent une vigilance constante. Sa conviction est claire : la connaissance et la sensibilisation sont les armes les plus efficaces pour préparer demain. Aux Calédoniens, désormais, de transformer cette conscience en actes.