L’avenir du logement social en Nouvelle-Calédonie est à la croisée des chemins. Vendredi 19 septembre 2025, le CESE-NC a rendu un avis majeur sur une réforme qui pourrait bouleverser la politique du logement.
Le transfert de l’aide à la CAFAT : une centralisation nécessaire mais risquée
Le cœur du projet, c’est le transfert de la gestion de l’aide au logement du FSH à la CAFAT. Cette bascule vise à renforcer la cohérence, à simplifier les procédures et à mieux contrôler les dossiers grâce à l’accès direct aux données sociales et fiscales. Le CESE souligne que ce choix répond à une demande de transparence et d’efficacité, car la CAFAT est déjà en première ligne dans la gestion sociale.
Cependant, cette évolution suscite des craintes légitimes pour les dix salariés actuellement dédiés au logement au sein du FSH. Leur avenir reste flou, et le CESE a exigé que la transition se fasse sans rupture pour les bénéficiaires. Le logement social ne peut pas être sacrifié sur l’autel de la rationalisation. En clair, si la CAFAT reprend la main, elle devra garantir un service sans faille, faute de quoi la réforme serait un échec.
Le financement : fin des parts égales, place aux responsabilités
Autre rupture majeure : le financement « à parts égales » entre la Nouvelle-Calédonie, le FSH et les provinces est officiellement enterré. Depuis 2012, les provinces ont déserté le dispositif, laissant un trou béant dans les comptes. Le projet de loi acte donc leur retrait, recentrant l’effort sur le gouvernement et le FSH.
Le CESE met toutefois en garde contre les dérives : le FSH n’est pas une caisse sans fonds. Sa mission est d’abord de favoriser l’accession à la propriété, pas de pallier les carences budgétaires. Pour 2023 et 2024, il a déjà dû avancer respectivement 400 millions et 1,5 milliard F CFP pour sauver le système. Cette situation ne peut pas durer. L’institution suggère d’explorer de vraies pistes fiscales, comme une taxe dédiée ou une réaffectation de la TGC.
Dans une ligne de fermeté, le CESE rappelle que les contribuables ne doivent pas éternellement compenser la désinvolture des provinces. Le temps est venu d’une réforme structurelle et d’une révision en profondeur de la politique du logement.
Conditions d’octroi, sanctions et fracture numérique : une réforme trop dure ?
Le projet révise aussi les critères d’attribution. Désormais, les étudiants bénéficieront d’une aide sur dix mois, et des restrictions s’appliquent aux propriétaires ou aux locataires d’un logement familial. Ces ajustements visent à limiter les abus, mais ils risquent de fragiliser les plus modestes.
Le texte prévoit également une dématérialisation totale des demandes, ce qui inquiète le CESE : la moitié des bénéficiaires n’ont pas d’adresse électronique, et un quart n’ont pas internet. Imposer un numérique brutal à un public précaire serait une erreur. L’institution plaide pour une transition graduée et un accompagnement.
Enfin, les sanctions sont durcies : amendes jusqu’à 500 000 F CFP et suspension d’aide en cas de fraude ou de fausse déclaration.
Le CESE, bien qu’opposé à la fraude, alerte sur un risque de disproportion : punir une erreur administrative comme une fraude intentionnelle revient à criminaliser la bonne foi.
Au final, le CESE-NC a rendu un avis réservé mais unanime : 30 voix pour, aucune contre. Il valide le principe d’une réforme indispensable, mais exige des garde-fous. Derrière les chiffres, ce sont plus de 9 000 foyers calédoniens qui dépendent de cette aide, avec un budget annuel de 3,3 milliards F.CFP.
La réforme doit donc rester au service des familles, pas devenir un simple exercice comptable. Le logement est un pilier de la dignité, et dans une Nouvelle-Calédonie fragilisée par la crise et la décroissance démographique, il n’y a pas de place pour les demi-mesures.