La crise du logement social s’aggrave en Nouvelle-Calédonie. Ce vendredi 19 septembre 2025, le CESE-NC a rendu un avis cinglant, mettant en pièces le projet gouvernemental sur l’habitat et l’urbanisme.
Face aux départs massifs de population, à des finances exsangues et à des inégalités territoriales, les illusions politiques ne suffisent plus.
Un projet gouvernemental fragile et juridiquement bancal
Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a soumis un texte censé définir les orientations stratégiques en matière d’habitat et d’urbanisme. Dans les faits, le CESE constate un projet insuffisamment préparé, juridiquement fragile et largement déconnecté de la réalité des provinces, pourtant compétentes en la matière. Le document évoque un nouveau code de l’habitat, la refonte du code de l’urbanisme ou encore la réforme de l’aide au logement territoriale.
Mais ces ambitions se heurtent au droit existant. Le CESE souligne par exemple que le marché locatif calédonien, loin d’être en crise, a vu ses loyers chuter de 25 à 35 %, offrant déjà un rééquilibrage favorable aux locataires. Alors pourquoi calquer des réformes métropolitaines inadaptées ?
Le texte aborde aussi la question de l’insalubrité, sans jamais en donner de définition juridique claire. Une lacune qui en dit long sur l’impréparation. Et la réforme annoncée de l’ALT est jugée symbolique, une simple « goutte d’eau » face à l’ampleur des défis.
Des finances publiques exsangues et un nouveau fonds illusoire
Autre angle mort : le financement. Le projet imagine la création d’un fonds d’adaptation et de rénovation pour l’équité sociale et territoriale (FARE). Sur le papier, l’initiative vise à mieux coordonner les actions de réhabilitation dans les quartiers sensibles et à sanctuariser les crédits publics sur le long terme.
Mais le CESE est catégorique : les caisses sont vides. Comment financer un nouveau fonds alors que la collectivité est déjà étranglée financièrement ? Les bailleurs sociaux eux-mêmes affichent des pertes record, certains évoquant une faillite imminente.
La contradiction est flagrante : on parle de réduire les inégalités urbaines, notamment dans les communes de Nouméa et Dumbéa où la ségrégation socio-spatiale s’accentue depuis les émeutes du 13 mai 2024, alors même que les opérateurs de terrain n’ont plus les moyens d’agir.
Quant aux initiatives nationales, comme l’intégration des organismes de logement social à une caisse de garantie, elles sont jugées irréalistes : qui peut payer les cotisations alors que le système est au bord du gouffre ?
Une offre excédentaire face à une démographie en recul
Le constat est glaçant. Depuis 2019, 18 000 habitants ont quitté la Nouvelle-Calédonie. La démographie déclinante bouleverse totalement l’équation. Le CESE pointe un fait dérangeant : il y a désormais trop de logements sociaux.
La question n’est plus seulement de construire ou de rénover, mais aussi de décider quels logements garder, lesquels détruire, et où. Une situation explosive que le projet gouvernemental ignore totalement.
Face à cela, le CESE délivre un verdict sans appel : ce texte est une déclaration d’intention, déconnectée des urgences sociales et économiques du pays. Le manque de concertation avec les provinces est dénoncé. L’institution appelle à une réflexion plus large, indépendante et lucide sur la politique de l’habitat, en particulier le logement social.
En adoptant un avis réservé, le CESE met en garde : la politique du logement ne peut se résumer à des slogans. Avec un territoire en crise, une population en recul et des finances dans le rouge, il est temps de privilégier le réalisme à l’idéologie. Construire pour le principe n’a plus de sens : il faut d’abord répondre aux urgences, assainir le système et rétablir la confiance.